Agonie et détresse psychologique
Reconnaissance. Tel est le mot pouvant résumer Foxcatcher, drame sombre et à l’esthétisme racé, tout récemment sorti sur les écrans français, et dont la réputation n’a eu de cesse de grandir depuis qu’il s’est vu remettre le Prix de la Mise en Scène au dernier Festival de Cannes et derechef invité à rejoindre la liste très prestigieuse des nommés aux Oscars. Des distinctions qui à la vue de ce film à la mise en scène singulière, à la fois atone et férocement brûlante, prennent tout leur sens, tant celui-ci continue dans cette veine d’introspection entamée par le cinéma américain depuis 2014. Night Call, Whiplash, A Most Violent Year, et maintenant Foxcatcher, autant de films tentant d’illustrer cette soif que le cinéma américain a éprouvé au cours de l’année 2014, à vouloir se racheter une conduite en tentant de s’absoudre de ses péchés. Disséquant tantôt l’American Dream, devenu vecteur illusoire et quasi inatteignable, que la puissance de l’Amérique et du patriotisme, devenue des mots et valeurs teintés de désuétude, ces films ont ainsi écrit un discours ô combien d’actualité, dépeignant un visage de l’Amérique dont les fondements à la fois vide de sens et de substance, laissent transparaître l’agonie de cette glorieuse patrie.
Malgré son caractère très riche de sens, l’agonie est un juste mot pour décrire l’ambiance à la fois glaciale et brûlante, enserrant cette plongée dans les arcanes de l’incertitude et de la détresse psychologique qu’est Foxcatcher. Un milliardaire à la fois sinistre et apathique, un lutteur dominé par la peur et le manque de reconnaissance et un frère, lui aussi lutteur à l’équilibre de vie très sain, tel est le trio portant ce film majestueux et à la grandeur inégalée. Car ce qui soulève l’admiration à la vue de cet audacieux long-métrage, n’est pas tant le fait d’axer son postulat sur un sport somme toute relativement marginalisé, mais davantage la pluralité de sous-propos psychologique qu’il recense en son sein. A la fois tourmenté et brut, le scénario de Foxcatcher parvient, en un peu plus de 2h à étayer avec un réel sens de narration, des thématiques graves, que sont l’agonie, la reconnaissance, la folie, la solitude, l’aide fraternelle et la domination tant physique que psychologique.
Autant de thèmes dans lesquelles Foxcatcher s’engouffre, au gré d’une mise en scène mortifère et au ton gris anthracite qui au gré de répliques fouillant la psyché humaine dans toute sa complexité, parvient à impressionner tant la réflexion ardue contraste avec l’aspect relativement simpliste et brutal de la lutte. Mais outre ce questionnement psychologique incroyable, le film ne serait pas ce qu’il est sans ces trois acteurs, incarnant à eux trois les deux versants d’une pièce, entre figure paternelle teinté de patronnât pour Steve Carrell, tout simplement bluffant en milliardaire mégalo blessé de ne pouvoir avoir l’amour de sa mère, et peuple désorganisé pour Channing Tatum et Mark Ruffalo, deux lutteurs, l’un à la démarche primale et au faciès de bovin, gangrené par la peur et le manque d’estime, et l’autre incarnant la seule véritable lueur d’espoir à travers ce film sans concession, dérangeant et brutal.
Par Antoine
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