Extension du domaine de la lutte
Oui, Foxcatcher est un film sur le sport... Avec des scènes sportives très rares. Foxcatcher est plus qu'un simple film sur le sport. Il s'en sert simplement comme un élément du décor. Ce n'est pas une plongée dans les coulisses de la discipline, la lutte ici. Il s'agit plus de l'autopsie de la psyché du sportif et des rapports, quels qu'ils soient, au carrefour desquels il se trouve et qu'il engendre. Ici, l'athlète, Mark Schultz, n'est pas particulièrement sympathique : faciès prognathe, parole rare, à la limite de l'autisme, il est tel un gros bébé boudeur, passant des bras de son frère entraîneur qui le materne à ceux d'un coach mentor friqué trimballant ses blessures narcissiques. Les relations entre les personnages passent ainsi du duo fusionnel au triangle "amoureux", entre connivence, amour filial, jalousie et confiance brisée.
C'est que les deux principaux protagonistes de cette histoire vraie sont cabossés et traînent leurs souffrances d'égos contrariés derrière eux : Channing Tatum et Steve Carell cherchent en effet l'un chez l'autre ce que leurs qualités respectives, l'argent et la capacité physique, ne pourront jamais leur apporter. Chacun est ainsi enfermé dans ce qu'il ressent de manière épidermique. Schultz a besoin d'être constamment soutenu, tellement la confiance en ses facultés lui fait défaut, tout en voulant sortir de l'ombre de son illustre frère. Du Pont, lui, reste malgré son âge toujours dans l'attente de la fierté et de l'attention de sa mère, tout en cherchant à s'acheter des enfants de substitution en ouvrant l'académie Foxcatcher.
Il ne peut résulter de cette relation trouble et malsaine, entravée par le frère de Schultz, que l'échec total, dans la méthode comme dans l'engagement sportif. Channing Tatum disparaît alors littéralement de la scène, comme un enfant qui fuit la peur d'avoir déçu ses parents. Steve Carell, lui, se transforme en un véritable roi régnant sur un champ de ruines, errant dans sa propriété sans limites, livré à lui-même, sans repères, comme un enfant qui a perdu ses parents.
S'il est assez aride au premier abord et ne brosse pas son spectateur dans le sens du poil, Foxcatcher offre un magnifique et complexe portrait croisé d'âmes aux failles similaires qui intrigue, intéresse et terrasse dans une fin inattendue qui en laissera plus d'un sur le cul.
A voir absolument.