"Foxcatcher", une lutte fascinante !!!
Troisième long-métrage du réalisateur Bennett Miller, dont c’est aussi le deuxième centré sur le monde du sport, auréolé du prix de la mise en scène au dernier Festival de Cannes, cet « attrapeur de renards » semblait confirmer ses talents d’adaptateur. « Foxcatcher » fait partie de ces films qui inspirent peu d’amour, de sentiments même, mais qui, par certains aspects techniques marquent le respect et l’admiration.
Avec ce « Foxcatcher », Bennett Miller se rapproche un peu plus de son « Truman Capote » qui était tout aussi glaciale et sculpturale. Mise en scène hiératique et plastique, Miller préfère composer et orner ses plans avec une certaine rigueur plutôt que jouer avec sa caméra. Le cadrage est très travaillé, ainsi que l’image, jouant subtilement avec les couleurs, tantôt répulsives et austères, tantôt colorées et esthétiques. Rythme lancinant et lent, mouvements de caméras peu fluides, le réalisateur américain aspire à rendre son film anxiogène et sensoriel. Cette réalisation contemplative et inspirée exhale une profondeur symbolique, s’attardant sur chaque détail du cadre, comportant une signification ou même plusieurs interprétations. Cette apathie au niveau du tempo facilite l’immersion, mais c’est aussi l’ossature de ce film, toute en régulation et en maniérisme, qui constitue une véritable fascination plastique. Malgré un découpage parfois superflu et incohérent, l’écriture, est elle aussi, maîtrisée de bout en bout, s’acheminant vers la tragédie grecque, adulant son trio de personnages comme des dieux de L’Olympe. C’est d’ailleurs là, tout le génie de Miller, qui utilisant comme toile de fond, la lutte gréco-romaine, sport antique, idolâtre ces trois passionnés aux caractères opposés. Que ce soit Mark, Dave où encore John, chacun est traité avec une dimension et une panache iconoclaste, presque mythologique, façonnant et sculptant leurs psychés à la manière d’un Kafka où d’un Nietzsche. La dualité, très présente, se projette comme une lutte de pouvoirs et d’influences sur le personnage de Mark, être puérile et paumé, ayant eu comme seul repère son grand frère David. L’arrivée de John Du Pont dans la vie de Mark va radicalement influencer les repères de ce dernier, qui voit en John, la figure d’un nouveau modèle à qui il doit s’identifier. Cette rencontre mènera à une liaison trouble et sinueuse, laissant transparaître la vraie nature de Du Pont, individu marginal et perturbé, au comportement schizophrénique, étouffé par le poids de sa mère protectrice, reniant les petits caprices « vulgaires » de son fils. Cette relation sera perturbée par l’arrivée de David qui va passablement envenimer les rapports entre John et lui, jusqu’au drame fatidique. Pour interpréter ce trio, Bennett Miller a décidé de choisir Steve Carell pour le rôle terrible de John Du Pont. Choix intéressant et plutôt surprenant, contenu de la carrière de l’acteur, essentiellement basée sur la comédie. Carell s’avère être terrifiant dans son rôle, bien aidé, il est vrai, par le maquillage saisissant de réalisme. Pour jouer les frères Shultz, Mark Ruffalo, dans le rôle de Dave est impeccable, tandis que Channing Tatum, dans le rôle Mark est assez surprenant, contenu du fait qu’il joue bien (pour une fois).