Dumont s'exporte
Dumont s'exporte et ça lui réussit magnifiquement bien. France est peut-être, malgré les apparences, le film de Dumont qui se rapproche le plus de ce qu'il pouvait faire avant P'tit Quinquin,...
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le 3 janv. 2022
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Après une incursion de deux films (Jeanne et Jeannette) dans le sous genre de la comédie musicale historique, Bruno Dumont s'attaque désormais à la satyre contemporaine et délaisse un peu (mais pas trop) son attachement pour la satyre sociale et le burlesque. Sacré Bruno. Le cru Dumont 2021 tranche et le virage est serré, voire même sacrément casse gueule... Le projet est ambitieux, engagé, en somme, ça passe ou ça casse. Le film s'ouvre d'abord sur une scène étonnante où le président Macron répond à un parterre de journalistes, dont Léa Seydoux alias France de Meurs, une journaliste de chaîne d'info, dont la vertu journalistique semble enterrée sous le goût du bon audimat et de la célébrité. En une scène le cadre et le ton du film sont posés. La patte Dumont est bien là, on oscille constamment entre le burlesque et la satyre sociale et politique. Le double cocktail est un peu lourd a digérer, d'autant que le personnage de Léa Seydoux est particulièrement lourd à supporter, le début du film est pourtant tout employé à nous la présenter dans les moindres détails. On découvre sa vie publique et privé, ses méthodes de travail, les relations conflictuelles qu'elle traverse avec son entourage et avec elle-même. France de Meurs est un roc indéboulonnable et Dumont s'éclate à jeter ce personnage en pâture et l'a mettre en proie aux pires épreuves de la vie. Il l'a malmène comme un sorcier qui s'acharnerait sur une poupée vaudou, c'est presque un peu gratuit, et ça aurait pu être jouissif de voir une poufiasse manipulatrice se faire mettre à mal, malheureusement on reste un peu pantois face aux malheurs de cette pauvre femme. Bruno Dumont lui-même semble également se détourner de son propre personnage, à tel point que les bonnes vieilles habitudes du réalisateur reviennent bien vite. Au fur et à mesure, les gueules à la ptit quinquin, les plans rapprochés, les blancs et les bruits de froissure de vêtements réaparaissent. Chassez le naturel, il revient au galop ! On se retrouve donc avec un film qui s'empêche constamment d'aller vers ce que son réalisateur sait faire de mieux et ça finit par sonner un peu faux ! Les personnages secondaires font qu'à eux de la figuration, Benjamin Biolay (le mari) apparaît à quelques reprises sans grands enjeux, Blanche Gardin (l'assistante de France) fait des apparitions pour faire quelques blagues seconds degrés, mais pas plus, dommage. Reste les scènes de reportage de guerre, drôles et bien construites. Dumont fait du reportage dans un reportage, s'amuse à faire exploser quelques gros pétards et en profite pour nous rappeler tout le mal qu'il pense du rôle de l'occident dans les conflits au moyen-orient, la crise migratoire et toutiquanti ! On se dit que c'est bien, que c'est courageux de se moquer du journaliste qui fait du "journalisme" mais la réflexion tourne court et on se retrouve avec une tonne de sujets d'actualité sur les bras sans vraiment bien comprendre le point de vue du réalisateur. Au milieu de tout ce bardas, le spectateur doit assumer son rôle par trois fois : spectateur du film, spectateur des coulisses du reportage qu'il y a dans le film et spectateur du rendu final du reportage qu'il y a dans le film... Vous avez intéret à suivre le procédé, car Dumont n'est pas avare et devait être sacrément fière de sa blague pour nous l'a refaire plusieurs fois (3 pour être exact..) Au point de prendre un peu le spectateur pour un abruti fini (si vous n'avez pas compris, ou vous remet une couche) ! Au milieu de tout ce tas de sujets intéressants dont on arrive pas à s'intéresser on profite également d'une réflexion pas très profonde, sur la célébrité, les médias, l'effet des médias sur la célébrité, la dépression, l'avis des journalistes sur les autres journalistes, la vertue du métier, la famille, l'amour, la rancune, les vacances, l'argent, le bien, le mal, les concombres à la cantoche et doit-on dire trotinette ou patinette ? Le mont St Michel est-il bien normand ? Et le cidre est-il bien breton ? L'homme a-t-il bien marché sur la lune ? Doit-on dire pain au chocolat ou chocolatine ? Les claquettes avec ou sans chaussettes ? Autant de questions sans réponses, qui traverse (la) France et son réalisateur et qui ne trouvent rien d'autre qu'un espace de réflexion sans jamais trouver réponse. Tout cet amas de sujets sans fond, sans forme et sans grand intérêt nous rappelerait presque le ton et le rythme d'une bonne vieille chaîne d'info en continu ! On en ressort la tête en vrac et à deux doigts de devenir réac, mais on en sort surtout en se disant qu'on aurait voulu du plus tranchant, du drift sur des routes de campagne, des personnages qui pètent et des gueules cassées. Dans le fond on aurait juste voulu du Bruno Dumont, du vrai, du potache, de la simplicité et surtout du fond !
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Créée
le 19 juil. 2021
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