---Bonjour voyageur égaré. Cette critique fait partie d'une série. Tu es ici au douzième chapitre. Je tiens à jour l'ordre et l'avancée de cette étrange saga ici :
https://www.senscritique.com/liste/Franky_goes_to_Hollywood/2022160
Si tu n'en a rien a faire et que tu veux juste la critique, tu peux lire, mais certains passages te sembleront obscurs. Je m'en excuse d'avance. Bonne soirée. --


Ly,
Je ne sais pas pourquoi je m’inflige autant de Hammer cette année. Peut-être ai-je souhaité inconsciemment compenser leur cruelle absence de l’année dernière, mais tout de même, au bout du quatrième film, si le studio ne s’épuise pas de nous pondre du Frankenstein à tour de bras, mon inspiration pour t’en parler toujours différemment, elle, s’essouffle.
Pourtant les films vont superbement de l’avant, étant toujours meilleur que celui de la veille. *Frankenstein créa la femme* ne fait pas exception à la règle, même si son titre m’en faisait douter. Cette fois, le studio plonge entièrement dans une sordide histoire de revanche, histoire qui avait été esquissé par le film précédent. Comme le précédent également, *Frankenstein créa la femme* n’est la suite de rien. Mais la comparaison s’arrête là : si *L’empreinte de Frankenstein* était un format étrange, ressemblant plus à une erreur de chronologie qu’autre chose, mon film de ce soir quant à lui s’assume comme une sorte de one-shot. Ce scénario là pourrait être inséré à n’importe quel moment de la chronologie sans déranger. Il pourrait aussi se regarder tout seul, et finalement c’est ce que je te conseille, car il n’a besoin de s’arc-bouter sur aucun autre métrage pour se tenir bien droit sur ses jambes.
Certes, pour ce qui est de la « créature » au sens propre du terme on repassera, ce que nous fabrique Frankenstein ce soir n’a rien de monstrueux physiquement, bien au contraire. Et c’est là toute la subtilité que Fisher a finalement su aiguisé au fil des films. Adieu la lourdeur visuel de l’horreur qu’il nous proposait dans sa première version, ce soir l’horrible se cache sous des traits enchanteurs, dans la psychologie torturée d’un personnage qui n’a malgré les apparence rien d’humain. Et tout cela est bien plus glaçant finalement que ce bon vieux Christopher Lee tout tartiné de latex.
Terrence Fisher se lance même, humblement, dans la dénonciation politique : ici les méchants sont les riches, face auxquels les pauvres ne peuvent que répondre par la méchanceté elle-même. Mais tout ce cercle vicieux est vain, car ceux qui finissent avec la tête tranchée sont toujours les plus démunis. Simple mais efficace, un peu manichéen sur les bords, certes, mais cette morale à la Jean de la Fontaine ne nous ramène que mieux vers la question qui hante et qui rassemblent Mary Shelley et Terrence Fisher : au fond, qui est véritablement le monstre ?
Sauf que ce soir, Fisher a en plus le bon sens de ne pas donner de réponse à cette question qui n’en a pas. Le monstre, ce n’est pas vraiment la création de Frankenstein, qui ne fait que subir une cohabitation forcée et cruelle. Ce n’est pas non plus Frankenstein qui ne fait que poursuivre ses recherches et poser un regard un peu trop pragmatique sur son monde. Mais ce ne sont finalement pas les bourgeois non plus, qui ne font que répéter un modèle vieux comme le monde, s’amusant sans se soucier de ceux sur lesquels ils n’ont jamais appris à poser leur regard. Finalement le monstre ne résiderait-il pas dans le clivage ? Le clivage qui sépare les riches des pauvres, qui sépare malgré tout toujours l’amant de sa maîtresse, qui sépare le cerveau scientifique des mains doctorales, qui sépare, comme toujours au final de tous ces films, la tête du corps par un coup de guillotine...
Pour ma part, j’adore la belle naïveté sur laquelle repose l’expérience (réussi qui plus est) de Frankenstein : celle de penser que puisqu’on a trouvé une matière qu’une balle de pistolet ne transperçait pas, celle-ci ne pourra donc pas être traversée par une âme. Cette petite pépite de poésie me laisse songeuse, et c’est rêveuse que je te laisse ce soir pour m’abandonner à Morphée.
Fais de beaux rêves,
H.
Zalya
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le 17 nov. 2018

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Zalya

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