La scène d’introduction où l’on voit en action la fameuse machine à étêter du Docteur Guillotin, la lame qui accomplit son acte létale et qui reprend sa place après avoir exécuté sa tâche, avec juste une tâche d’hémoglobine qui vient capter l’attention du spectateur, reflète parfaitement le style de cet artisan chevronné de la série B que fût Terence Fisher. Sobre et tranchant, deux caractéristiques qui définisse son cinéma.


Frankenstein créa la Femme, dont le titre possède une certaine résonnance avec celui du film de Roger Vadim avec Brigitte Bardot, la comparaison s’arrêtera là, propose une version alternative féminisée du fameux mythe Prométhéen. Jimmy Sangster, au script des deux premiers volets de la franchise, passe la main à Anthony Hinds, scénariste entre autres de La Nuit du Loup Garou et Le Fantôme de l’Opéra de Fisher.


Au-delà des aspects caractérisant la majeure partie des productions Hammer, un esthétisme très coloré et un certain humour noir, un côté cheap et son charme désuet, Fisher se propose cette fois d’amener une réflexion, qui certes peu prêter à sourire aujourd’hui, mais, qui dans l’Angleterre cul-béni de l’époque trouvait un certain écho à la culture-pop qui allait déferler sur le royaume. Sous ses aspects déterminés par un certain English spirit classieux qui lève le petit doigt en ingurgitant sa cup of tea, on ressent chez Fisher une vraie envie d’envoyer bouler les bonnes mœurs de l’Angleterre Victorienne. Voir les trois Lords hautains aux airs supérieurs se faire trucider par la jolie poupée qui dans la majeure partie des œuvres d’alors, aurait dû faire office de potiche de service, a quelque chose de cocasse.


Le cinéma de Fisher, dans son ensemble, bénéficie toujours des mêmes attributs esthétiques, films de studio oblige, les décors ne dépareillent quasiment jamais, on finit même par y entrer en terrain conquis, est remarquablement éclairé, les scènes nocturnes imprimant la notion de gothisme dont le travail d’un cinéaste comme Tim Burton tirera ses inspirations, et d’une grande sobriété, quasiment pas d’effet de style, c’est probablement ce qui le démarque de l’autre grand maître en la matière, je pense bien entendu au maestro Italien Mario Bava et ses délires pop, mais cette sobriété revêt en fait un caractère bien plus audacieux qu’il n’y paraît. On sent ses envies de régler ses comptes avec le politiquement correct et les bonnes mœurs britanniques.


Côté interprétation, on retrouve l’excellent Peter Cushing, dans le rôle titre, mais cette fois-ci, point de trace de son alter ego maléfique Christopher Lee, puisque le monstre/création difforme qu’il interprétait dans les deux précédents volets consacrés au Baron du titre qu’il dépeignait parfaitement et avec tout l’expressionisme qui caractérisait le jeu de cette acteur incontournable du cinéma dit d’épouvante, est ici remplacée par une créature sublime d’un tout autre acabit.


Les rares scènes de violence des films de Fisher sont en revanche assez tranchantes et même si les effets peuvent aujourd’hui paraître désuets voir grotesques, il faut se remettre dans le contexte de l’époque pour en apprécier toutes les subtilités. La mise en place des principaux attributs dont découleront l’intrigue sont rapidement mis en évidence et le scénario n’est souvent qu’un prétexte a l’expression d’une certaine façon plutôt classieuse de faire voler en éclats les bonnes mœurs. Une femme qui se met à fendre une buche de bois dans l’Angleterre Victorienne… avouez que l’idée a quelque chose d’assez audacieux.

philippequevillart
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le 18 avr. 2022

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