Si ce n’est pas le premier film de la Hammer, Frankenstein s’est échappé marque le début de l’âge doré de la firme anglaise. Avec son trio magique Peter Cushing, Christopher Lee et Terence Fischer dans une ambiance gothique renforcée par l’utilisation de la couleur, cette adaptation du roman de Mary Shelley annonce un virage. Si les décors sont encore un peu minimalistes et viendront s’enrichir dans les films suivants, la réalisation parvient à compenser toutes les faiblesses du budget par des astuces remarquablement efficaces. En baron Frankenstein jouant les apprentis sorciers, Peter Cushing est fabuleux, tout autant que Christopher Lee impressionne par sa taille et la réussite de son maquillage.
Plutôt que de jouer la surenchère, Jimmy Sangster au scénario (et qu’on retrouvera dans l’écriture des meilleurs Hammer) prend le temps d’installer ses personnages et sa situation (la créature ne prend vie qu’après la moitié du film). Les questions philosophiques ne sont pas esquivées même si le film se veut un pur produit d’épouvante. La structure narrative de l’histoire est d’une remarquable cohérence s’achevant sur un formidable plan sur une guillotine. Auparavant, on aura eu droit à de superbes plans en contre plongée sur une potence et un gibet qui ajoutent des éléments horrifiques à l’ensemble.
Ramassé en 1h20, le film est palpitant et repose sur un huis-clos intelligent imaginé dans la maison du baron. La folie qui s’empare de lui est magnifiquement décrite et son personnage est la clef de ce récit plutôt que celui de la créature (dont les méfaits sont plutôt faiblement racontés, ce qui empêche l’ensemble d’être une réussite absolue). En somme, un film de série diablement intelligent qui en appela une fort jolie liste dans les années qui suivirent. Autrement dit, un film synonyme d’acte fondateur dans l’histoire de la Hammer.