La plupart du temps, lorsqu’on considère un film comme raté, on s’imagine que c’est parce que le réalisateur n’est pas parvenu à faire passer son message. Un flottement dans le montage, un problème d’interprétation, des maladresses d’écriture, voire, tout simplement, un manque de finesse ou de talent peuvent explique l’échec d’une œuvre.
Mais il arrive que tout ceci soit savamment volontaire. Je ne parle pas ici d’auteurs singuliers et polémiques (dans le style de Noé, Lynch, LVT, Refn et consorts) qui, quoi qu’on en disent, font preuve d’une réelle maitrise de leur art, mais de plus modestes artisans qui considèrent comme pertinent (ou suffisant ?) le regard qu’ils posent sur leur sujet.
Ira Sachs semble appartenir à cette catégorie. Déjà gentiment inepte dans Love is Strange en 2014, le voilà qui s’offre une virée à Sintra, au Portugal, autour du personnage central de Frankie, Isabelle Hupert jouant elle-même, à savoir une actrice d’origine française à la carrière internationale, désormais à l’heure des bilans puisqu’atteinte d’une maladie incurable dont on nous parle même avant la bande-annonce du film, alors que celui-ci attend presque le dernier tiers du film pour en parler.
La ribambelle de clichés du film choral s’engouffre dans ces balades, ces dialogues, les marivaudages des uns et les ruptures des autres, avec cette lucidité des snobs de gauche et le sarcasme sur les riches de droite, cette pseudo tendresse sur les jeunes et cette simili empathie avec les candidats au grand saut.
On a bien du mal à comprendre l’intérêt de toute cette foire aux vanités. Les portraits s’enchainent, les situations se répètent, la nonchalance avec laquelle on les contemple ressemble moins à une distance lucide qu’à une indifférence complète, distillant çà et là de petits aphorismes type « It’s normal » - « I don’t want normal » ou « Find before you seek », ou un name dropping insipide (un cadreur de Star Wars vient faire de la figuration, d’accord, à la prochaine), avant que toute la petite communauté aux fragilités si humaines ne se retrouve en haut de la montagne, comme dans un livre de Paulo Coehlo.
Faites de même : allez vous balader dans la nature plutôt que consacrer 90 minutes d’enfermement à cette vaine virée.