Pour ma part, j'ai trouvé Frankie d'Ira Sachs mi-figue mi-raisin. D'un côté, il y a quelque chose de très étonnant dans sa manière d'aborder les émotions de ses personnages. Ils sont traversés, secoués, mais toujours avec distance et sérénité. Mais d'un autre, le côté très théâtral de la mise en scène (parti pris de la caméra fixe) atténue l'intensité, et rend moins perceptible la complexité des personnages. Un peu à la façon d'une pièce de Tchekhov, les personnages, très bavards et chacun avec ses lubies, s'affrontent et s'embrassent, se retrouvent et se pleurent, et tout ça, en une journée (on retrouve l'unité de temps propre aux tragédies). C'est curieux et à la fois frustrant de regarder un film avec un tel décor (Sintra au Portugal) se contenter de faire de la caméra sur pied ! Du coup, on cherche à comprendre le côté expérimental et à percevoir l'imperceptible nuance que le réalisateur américain a pu glisser à l'oreille de ses acteurs. Car oui, ce cinéma conceptuel mise tout sur son casting. Ici, les acteurs sont très loin d'une performance larmoyante et se contentent juste d'être là, dépouillés de toute démonstration de jeu. C'est assez déroutant ; c'est comme si le spectateur devait être aussi pommé qu'eux. Isabelle Huppert, bien que jouant une actrice égocentrique, fascine par son aisance à aller à contre-courant, à ne pas jouer ce qu'on pourrait attendre d'un personnage mourant. C'est intéressant de la voir lâcher-prise. Les autres acteurs, bien que brillants, restent un peu sous son ombre. Ils sont dans l'écoute et "subissent" les humeurs de leur mère/femme/meilleure amie/ex-femme... Peut-être que dans son interrogation sur la maladie, Ira Sachs a voulu se dénuer de tout artifice cinématographique afin de se concentrer sur la vie, la vraie, celle qui prend des temps, et dit des choses anecdotiques. Mais je conçois qu'il faut être dans un certain "mood" pour recevoir cet objet étrange et le trouver palpitant. Sinon, on pique du nez comme ont pu le faire plusieurs de mes voisins spectateurs...