Normal People, c'est carrément le genre de série qu'on bichonne et qui fait du bien à l'âme, nous rappelant notre condition de mortel et explorant notre capacité d'aimer. Ça parait très perchée dit comme ça mais c'est assez évident une fois la série dévorée. Tirée d'un roman, elle raconte l'histoire d'amour intense mais compliquée de deux jeunes sur plusieurs années, du lycée jusqu'à leurs vies d'étudiants. Ordinairement splendide, intelligemment sensuelle, voilà une mini-série d'une beauté difficilement descriptible.
Douze épisodes sur les amours contrariés de deux adolescents ? Rien de bien croustillant à première vue. Après un premier épisode d'introduction soft, la série s'approfondit et explore l'intériorité de ses deux personnages principaux et nous emporte dans les méandres de leurs sentiments. D'un côté, on a Marianne, jeune fille solitaire, incomprise et rentre-dedans et de l'autre, Connell, le mec sportif, intelligent et populaire. La première est issue d'une famille aisée mais absente alors que lui vient d'un milieu plus modeste, élevé par sa jeune mère célibataire, femme de ménage dans la maison de Marianne. Une relation clandestine, à l'abris de regards et des jugements puérils, finit par se nouer entre les deux ados, à la fois inspirée et pleine de non-dits. Sans être voyeuse ni extravagante, à l'affût des détails, la caméra voit naitre une alchimie passionnelle et délicate, voire poétique. Leurs tourments, leurs doutes, leur anxiété, leurs rapports aux classes, à la dépression, aux regards des autres, à la famille nous sont directement perceptibles. On les comprend et on capte leurs différences, leur manière de faire, leur évolution commune et individuelle. Tous ces éléments apportent de l'épaisseur à la romance ordinaire, la rendant plus tragique et universelle. L'amour ne fait pas tout, et la série Normal People en dresse le constat cruel.
Les scènes de sexe sont magnifiques et s'intriquent complètement dans l'ensemble. Les respirations, la sueur des corps, les regards, le son des baisers éperdus nous plongent dans l'intime d'une vraie relation, de ses débuts hésitants et douloureux à une fougue plus expérimentée et complice. On ressent pas le moment de trop ou aucun malaise propre à ce genre de scène dans d'autres séries (je pense aux Chroniques de Bridgerton par exemple...), alors qu'il s'agit ici de plans séquences. De plus, elles se valent aussi d'un point de vue technique par leurs angles de caméra recherchées, la photographie très douce et la bande-son originale. Ces scènes font office de ciment et participent à la fusion de ces deux âmes perdues.
Lors de sa deuxième partie, la série prend un tournant plus dur, les montrant amants puis amis frustrés et blessés. C'est là qu'on s'aperçoit du talent brut des deux jeunes acteurs quasiment-inconnus : Daisy Edgar-Jones (nommée aux Golden Globes) et Paul Mescal. Avec leurs rôles fragiles, touchants, complexes et torturés, ils nous rappellent que l'audace de l'être humain se cache dans son désir de chérir, de protéger, de partager et d'être aimé en retour. Ils tremblent, ils rient, ils se disputent, s'éloignent et se retrouvent, pleurent et se rassurent à deux. Leurs interprétations sont authentiques et bluffantes et poussent même à s'interroger sur leur réelle relation, d'acteur à acteur.
C'est une épopée de l'ordinaire, pleine de secousses, dépassant les papillons dans le ventre standards, qui fait l'effet d'une révolution silencieuse au plus profond de notre inconscient amoureux.