Frantz surprend dans la carrière colorée, expressionniste et souvent à la frontière du pastiche d'un François Ozon qui n'est visiblement jamais vraiment là où on l'attend.
Cette œuvre qui prend en effet la forme d'un austère drame en noir et blanc tendant sur le gris, un film à costume autant qu'une histoire d'amour ratée, déborde néanmoins (mais évidemment) de sensibilité derrière sa froideur et sa sobriété, à laquelle Ozon semble se plier avec plaisir, tant cette exigence esthétique le pousse vers un chemin qui ne lui est pas habituel.


L'habileté du réalisateur français se ressent dans la multiplicité des thèmes qu'il aborde, dans sa construction qui tend entre la France et l'Allemagne d'après-guerre un miroir, et montre à chacune sa bêtise et ses relents nationalistes, autant qu'il met en parallèle les deux personnages en apparence opposés de Beer et Niney, qu'il dirige dans un jeu délicieux de fascination/répulsion qui se précise au fur et à mesure que le film progresse. Il décrit aussi avec un classicisme bienvenu les traumatismes de la guerre et raconte un amour tragique car impossible.


Mais c'est finalement lorsqu'il revient à ses thèmes récurrents qu'il est particulièrement brillant ; le mensonge, l'usurpation d'identité pour assumer et trouver la sienne, le rêve pour éviter d'avoir à affronter la violence du réel, la sexualité interdite dans un monde strict ...
Certes l'ensemble souffre d'une petite baisse de rythme dans son milieu (la partie en France qui s'invente des rebondissements artificiels) et de quelques facilités (les couleurs qui envahissent la pellicule lorsque le personnage reprend un instant goût à la vie), mais l'on retiendra de ce film qui porte finalement mal son nom, ce magnifique portrait de femme, comme Ozon sait si bien les faire, subtilement interprétée par Paula Beer, qui, à chacune de ses apparitions, démontre combien elle est une des meilleures actrices de sa génération.

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le 10 mars 2021

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Charles Dubois

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