Pierre Niniais, Sigmund Freud et la mort du subtil

Frantz, adaptation de la pièce de théâtre "L'homme que j'ai tué", de Maurice Rostand, nous présente Adrien Rivoire (incarné par Pierre Niney), un soldat français, qui après la première guerre mondiale part pour Quedlinburg, en Allemagne, afin de retrouver la famille de Frantz Hoffmeister, un soldat allemand et ami d'Adrien, mort au combat durant le conflit.


Du côté des Hoffmeister, je demande le père (sosie de Sigmund Freud), la mère et la belle-fille, Anna (jouée par Paula Beer). Ces trois personnages n'ont jamais entendu parlé de cet Adrien, qui leur contera les différents moments qu'il a pu partager avec Frantz.


À mesure que le film se déroule, nous nous apercevons que quelque chose cloche. En effet, à plusieurs reprises, Adrien semble affolé à l'évocation de Frantz.


Et là, c'est le drame! Le film a, sans doute, été réalisé pour des enfants. Aucune subtilité dans l'expression des sentiments, ni dans les situations. Tout est montré, tout est dit, et pas forcément de la meilleure des manières. Il n'y a pas de place pour l'imagination du spectateur.


Le film, en noir et blanc dans sa grande majorité, passe soudainement en couleurs lorsque la joie commence à réapparaître. MON DIEU CE QUE C'EST SUBTIL !!!!!


Le pire, c'est que tout le film est comme ça. Nous sentons très bien qu'Adrien cache quelque chose, et plutôt que d'être évoqué subtilement, ce sera montré, encore et encore. De même pour la romance qui commence à se développer entre lui et Anna, qu'on voit venir à des kilomètres.


À l'instant où nous découvrons qu'Adrien est celui qui a tué Frantz, attention j'ai dévoilé le grand twist du film, qu'on n'avait absolument pas vu venir non plus (!!!), le film devient le miroir de lui-même. C'est Anna qui partira pour la France afin de retrouver Adrien.


Des scènes se répondront d'une moitié à l'autre du film. Pour accentuer le rapprochement entre les deux personnages, de nombreux éléments ne seront pas laissés au hasard. Pour aller en France, les deux seront dans le wagon numéro 6. À tour de rôle, ces deux protagonistes souhaitent écrire une lettre destinée aux parents de Frantz afin de leur dévoiler la vérité, avant de la froisser et d'en écrire une nouvelle où le mensonge règnera pour leur dissimuler la véritable histoire. Anna, qui nous l'apprenons au début, ne sait pas nager, va alors se diriger plus tard vers le lac où s'est baigné Adrien. Nous nous demandons bien quelles sont ses intentions en entrant dans l'eau (!!!).


Évidemment, comme dans tout bon film pacifiste insipide qui se respecte, on y retrouve le banal discours moralisateur: les soldats ne sont pas des meurtriers, ils n'ont fait que leur devoir malgré eux, et ont été envoyés par leurs pères au combat, qui deviennent alors les seuls responsables. Du vu et revu, en plus ici traité de la manière la plus simple qui soit. Aucune subtilité encore une fois, rien d'original.


Vers la fin du film, on apprend qu'Adrien va bientôt se marier avec une certaine Fanny. Anna tombe des nues. Lors d'une discussion entre les deux prétendantes, Fanny dira qu'elle a perdu son frère pendant la guerre, un certain François. Elle souligne alors la ressemblance avec le prénom Frantz. MON DIEU QUE C'EST NUL. On se croirait dans Batman vs Superman (cf. la scène d'évocation du prénom Martha). Et évidemment, Adrien aime Anna, qui aime Adrien en retour, mais Adrien va se marier avec Fanny, choisie par la mère d'Adrien, et il ne peut s'y soustraire. Encore une fois rien de bien original.


Chose amusante: lors de la scène où on voit Adrien abattre Frantz, et que les deux se retrouvent l'un contre l'autre en attendant la fin des bombardements, on pourrait déceler une certaine tension homo-érotique entre les deux hommes. C'aurait pu être développé, le film aurait été un peu plus intéressant. Dommage!


Je souhaiterais finir en relevant une incohérence. Lorsque Adrien discute avec les parents de Frantz, celui-ci semble ne pas connaître le mot "glücklich", qui signifie heureux, alors même qu'il est capable de construire des phrases assez complexes en allemand en usant d'un vocabulaire bien plus évolué que des adjectifs appris lors de la troisième séance de LV2 Allemand au collège. Peut-être est-ce pour souligner le fait qu'Adrien ne sait plus ce que c'est qu'être heureux... Mais dans ce cas, paye ta subtilité...


Il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur ce film, mais je pense en avoir déjà assez dit, ce film m'a fait perdre déjà trop de temps.


En conclusion: un film sans subtilité, qui aurait beaucoup gagné en en montrant beaucoup moins (c'est-à-dire, en respectant son spectateur en ne le considérant pas comme une huître). Mention spéciale pour Paula Beer, qui sauve un peu le film.

ChevalVapeur

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