Coréalisation entre Zach Lipovsky (Dead Rising, Leprechaun: Origins) et le nouveau venu Adam B. Stein, qui n’avait jusque-là mis en boite que des courts métrages et des épisodes de séries, qui écrivent également le scénario, Freaks est un film indépendant au budget limité dans lequel il faut mieux se lancer sans avoir rien vu ni lu, vierge de toute information à son sujet. C’est pourquoi, si l’envie d’être surpris et de vivre une expérience des plus intéressantes vous tente, veuillez arrêter immédiatement la lecture de ces quelques lignes et revenez une fois que vous aurez vu le film. Parce que bien que Freaks soit imparfait, c’est une bobine assez passionnante, remplie d’idées complexes qui prennent une tournure unique, tout en s’appuyant sur une base des plus réaliste qui ne les rendent que plus percutantes, en plus de nous présenter une toute jeune actrice qui, si elle se débrouille bien dans ses choix de carrière, pourrait avoir une très belle carrière à Hollywood. Donc dernier avertissement, la suite de ce texte contiendra des spoilers qu’il vaut mieux ne pas lire si vous comptez voir Freaks.


Tout ne fonctionne pas dans Freaks, mais c’est le genre de petit film avec de grandes idées. La première moitié du film, sans doute la plus intéressante, se déroule presque entièrement dans la maison de cette jeune fille de 7 ans, Chloé, et l’histoire nous est racontée de son point de vue à elle. On comprend qu’elle est confinée dans cette maison par son père, qui dit qu’il ne doit sortir sous aucun prétexte car de grands dangers rôdent à l‘extérieur sans qu’on sache ce qu’il en est réellement, lui-même ne sortant qu’à de très rares occasions, lorsqu’il faut ramener de la nourriture, rentrant parfois blessé de ces expéditions. Chloe vit dans un monde qu’elle s’invente, essentiellement dans sa chambre, rêvant de plaisir simples tels que d’acheter une glace à cet étrange camion de glace qui passe régulièrement devant sa maison, rêvant secrètement de découvrir l’extérieur malgré les recommandations de son père à la fois aimant et sévère. Cette première partie joue à fond la carte de la paranoïa et les deux réalisateurs arrivent avec quelques artifices à installer une certaine tension, distillant ci et là des indices pour faire comprendre au spectateur ce qu’il en est réellement (via un poste de télé en arrière-plan par exemple). Ils font un excellent travail pour garder le public dans l’expectative sur ce qu’il se passe, et rendant leur film réellement captivant. Cette première partie très maline interroge le spectateur si ce qu’il voit est de la maltraitance, un traumatisme ou quelque chose d’autre, et bien que le rythme soit lent et un peu déroutant, cette tension qui est installée attrape le spectateur par la main et l’amène avec lui aux côtés de cette jeune fillette de 7 ans. Lorsque la jeune Chloé s’aventure enfin dans le monde extérieur pour la première fois, cela semble presque surréaliste, à la limite de l’onirisme, ce qui ne fait qu’ajouter au sentiment d’incertitude quant à ce qu’il se passe et à la direction que prend le film. Et puis à mi-film, Freaks prend un tournant, devenant un film de super-héros, certes toujours aussi sympathique mais bien plus classique, détournant les codes instaurés par Marvel ou les X-Men, les mélangeant à certaines idées du Firestarter (1984) de Mark L. Lester, et assimilant l’ensemble pour donner un film réellement intéressant à plus d’un titre.


Si le film fonctionne, c’est en partie grâce à son trio d’acteurs principaux. Bruce Dern (Nebraska, Les 8 Salopards) et Emile Hirsch (Speed Racer, Into The Wild) font un très bon travail, le premier amenant parfois une légère touche d’humour assez subtil et très agréable, le second arrivant à être très convaincant dans ce rôle de père très protecteur. Mais c’est bel et bien la jeune Lexy Kolker, 7 ans lors du tournage, qui surprend dans sa performance semi-improvisée tout en naturel et en spontanéité. Habituellement, le jeu des très jeunes enfants au cinéma a de quoi faire grincer les dents, parfois artificiel, parfois à côté de la plaque, mais ici on est dans quelque chose d’extrêmement maitrisé, tout en retenu, et surtout très crédible. Certes, on pourra reprocher à ces personnages de n’être que des métaphores de la discrimination, mais ce n’est jamais lourd ou ouvertement poussé. Autre point fort de Freaks, sa mise en scène, et l’utilisation extrêmement judicieuse de son petit budget. Le film est habillé d’une belle cinématographie avec un montage et des effets spéciaux qui à aucun moment ne viennent entacher l’expérience visuelle. Mieux encore, certaines scènes de la deuxième moitié du film sont visuellement assez impactantes et c’est à se demander comment Hollywood gère les centaines de millions de certains films visuellement immondes (oui The Flash, c’est de toi dont je parle). Freaks mélange les genres et passe du drame à la terreur en passant par le fantastique et la science-fiction avec une grande facilité, mais il n’est donc pas exempt de défauts. Le monde dans lequel évoluent les personnages n’est au final pas entièrement défini et expliqué, avec parfois des trous dans l’intrigue et des incohérences qui font leur apparition si on se met à se poser quelques questions assez légitimes, avec par exemple des personnages qui auraient facilement pu se sortir de certaines situations lorsqu’on sait de quoi ils sont capables. Et enfin, dès que la deuxième partie se lance, et bien qu’elle soit malgré tout efficace, Freaks devient relativement prévisible, sans rebondissement ni évènements vraiment inattendus, même si son plan final et le regard de la fillette en disent long sur l’envie des deux réalisateurs de proposer un film pas comme les autres.


Film indépendant au budget très limité, Freaks compense aisément cela par d’excellentes idées de mise en scène et une conception des plus malines, malgré une deuxième moitié un peu en deçà. Un bon p’tit film comme on dit.


Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-freaks-de-zach-lipovsky-et-adam-b-stein-2018/

cherycok
7
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le 16 oct. 2024

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