A première vue, Free guy ressemble à n'importe lequel des gros films de studios américains dont on est abreuvé chaque semaine. Ce projet original réalisé par Shawn Levy, habitué des comédies familiales, et porté par un Ryan Reynolds qui y apporte à la fois son visage d'ange et l'humour lourdaud de Deadpool cache pourtant un éclairage intéressant sur l'état actuel du blockbuster américain.
Free guy s'inscrit dans la tradition relativement récentes des productions plaquées sur les mécaniques du jeu vidéo comme Pixels, Ready player one, Detective Pikachu voire Jumanji. Les gamers sont d'ailleurs flattés à coup de référence par-ci par là (GTA, Fortnite et probablbement un certain nombre que je n'aurais pas su débusquer). L'intégration de la mise en scène dans un univers vidéoludique justifie un peu plus les débordements (pour ne pas dire vomissures) numériques habituels des films à 100 patates. Mais il est captivant de constater qu'au lieu de profiter des possibilités visuelles immenses ouvertes par un monde virtuel (comme le font les Wachowski dans Speed racer par exemple), les effets numériques continuent de faire écrouler de gros bâtiments de béton et d'exploser des voitures comme dans n'importe quel blockbuster urbain fourni par Marvel ou autre licence à la Fast and furious. Voila qui pointe à merveille la normalisation actuelle (et là, je ne parle que de numérique et de visuel, je me dirige même pas vers le montage ou la musique, sinon je vais me fâcher)
Il y a un autre aspect intéressant dans Free guy qui souligne une autre normalisation, plus scénaristique, mais tout autant liée au tout numérique. Je veux parler de ces lunettes de soleil, celles qui font clairement référence à Invasion Los Angeles. Dans le film de Carpenter, les lunettes révélaient un monde gris, une réalité fasciste constituée d'ordres camouflés par le voile du consumérisme. La liberté, alors, c'était de prendre conscience du rideau de fumée derrière lequel on était et de tout faire péter. Dans Free guy, les lunettes révèlent, derrière le monde virtuel un peu normé de Guy, un monde encore plus virtuel ! Avec bonus à gogo, trousses de soins, et pouvoirs incroyables. La liberté (le "free" du titre) pour Guy, s'atteint via cette virtualisation à outrance pour finir heureux dans un monde où l'on croise des dinosaures au coin de la rue. Pas loin d'être un film de super héros sans en être un (mais référençant tout de même explicitement Avengers et Star wars) Free Guy redémontre que les héros de nos jours sont toujours les plus virtuels et que les blockbusters américains ont de plus en plus de mal à garder un pied dans la réalité.
Certes, Free Guy propose aussi quelques segments dans le monde réel et sauve finalement les meubles lorsque la programmeuse finit par lâcher son écran pour rejoindre son copain. Le divertissement, dans l'idée, n'est pas si mauvais non plus. Mais le tout est assez symptomatique de la tendance actuelle.