Free Solo est sans doute mon documentaire préféré all time.
Oscar mérité du meilleur documentaire 2019, le film retrace la préparation puis l’ascension en free solo (c’est-à-dire sans aucun système d’assurage, aux risques et périls du grimpeur) de la voie Freerider à El Capitan, par la légende Alex Honnold, le 3 juin 2017.
El Capitan, c'est la paroi la plus célèbre du monde de la grimpe, un mur de 975 mètres particulièrement photogénique dans le parc du Yosemite.
Cette ascension d’un niveau corsé (cotation 7c+, 33 longueurs), est considérée comme l’une – sinon LA – des performances les plus inouïes de l’histoire de l’escalade ; au côté par exemple de la libération de Silence, premier 9c et voie la plus difficile techniquement au monde, par le tchèque Adam Ondra en 2017.
Free Solo est le deuxième film des réalisateurs Elizabeth Chai Vasarhelyi et Jimmy Chin (en couple à la vie), après l’excellent Meru, qui retraçait l’ascension haute en couleur du mont Meru (6660m d’altitude) situé dans le massif de l'Himalaya, par Conrad Anker, Jimmy Chin et Renan Oztruk en 2011.
Depuis, le duo de réalisateur s’est spécialisé dans les films de sports extrêmes, à l’image de la série Au bout du monde avec Jimmy Chin, ou encore du glaçant documentaire La Grotte, qui relate le sauvetage audacieux en 2018 de douze garçons et de leur entraîneur de football des profondeurs d'une grotte inondée dans le nord de la Thaïlande.
Dans Free Solo, outre l’ascension en elle-même qui m’a fait pousser des cheveux blancs, cramponné aux accoudoirs de mon fauteuil de cinéma (à Londres, malheureusement nous n’avons pas eu droit à une sortie salle en France), la part belle est faite aux conséquences – humaines et techniques – d’un tel projet.
La préparation d’une telle folie a duré près de 3 ans, d’abord en réalisant de « petits » free solos comme entraînements, mais également en repérant et mémorisant pas à pas tous les mouvements de la voie. Un passage notamment, a demandé beaucoup de travail à Alex Honnold. Aux 2/3 de la paroi, la voie classique prévoit en effet un jeté, un saut particulièrement aléatoire sur des prises situées plus loin. Or, en solo intégral, l’aléatoire n’a évidement pas sa place. Alex a dû trouver une solution pour contourner le problème et trouver une méthode un peu moins risquée.
Le film s’attarde également sur les facettes psychologiques et relationnelles du grimpeur. Né d’un père Asperger, impossible de ne pas se dire que tout ne tourne pas rond dans la tête d’Honnold. Des tests scientifiques ont été réalisés sur son cerveau, démontrant qu’Alex a un rapport à la peur tout à fait particulier.
Par ailleurs, Free Solo montre bien les implications d’un tel objectif sur l’entourage du grimpeur. Les relations se tendent avec sa copine (notamment lorsque celle-ci se rend responsable d’un accident d’assurage), la poussant à l’éloigner de la vallée jusqu’à la conclusion du projet. La pression est également énorme sur les épaules de l’équipe de tournage, effrayée à l’idée de potentiellement filmer la mort du grimpeur en cas de zipette, mais aussi de lui faire commettre une erreur par la simple présence de cameramen sur la paroi pour les besoins du tournage. Des solutions techniques sont envisagées, notamment l’utilisation d’énormes téléobjectifs et du placement de caméras guidées à distance dans les passages critiques.
Avec Free Solo, Alex Honnold repousse donc les limites de l’extrême. Le film est un must see. La dose de stress communiquée au spectateur est telle qu’à la fin du visionnage, on a l’impression d’avoir fait une cession de 2h de sport intensif !