Étonnamment impartial ? Pas sur...
Je m'attendais plus ou moins à un spot publicitaire en visionnant ce documentaire. Je redoutais une sorte de propagande aussi, puisque Dota et le documentaire sont réalisés et diffusés par Valve, qui plus est via Steam. Mais j'ai eu une bonne surprise, car même si le film reste évidemment très partial, il ne cache pas non plus l'envers du décors. Derrière un tournoi sur le jeu Dota, et apparemment historique en terme de trophée, (1,6 m$) le documentaire nous offre une immersion en coulisse avec certains protagonistes, et donc une vision plus accessible du milieu.
Mais mettons nous d'accord tout de suite: tout est survolé. La scénarisation est géniale, le film rythmé et très bien réalisé, mais j'ai un vrai problème avec le contenu.
Il regorge de bonnes idées, et permet de mettre en avant l'évolution des mentalités concernant le jeu vidéo tout en montrant que les accros de jeux vidéos ne sont pas forcément des loosers. On verra donc les choix personnels de ces jeunes, qui, plus ou moins marginaux, vont se lancer à corps perdu dans le milieu professionnel du jeu sur ordinateur; avec ce que ça implique comme retombées. Études mises à l'écart, communauté qui exclu les joueurs les plus anciens à cause d'une baisse de réactivité... On le voit. Mais on ne s'y attarde pas. Pour être vraiment intéressant et neutre, il manque des intervenants.
Mais ça n'était pas le but, c'était cousu de fil blanc.
Quoi qu'il en soit, là où une dizaine d'années en arrière, ces mêmes jeunes seraient restés de gentils attardés un peu asociaux ou se seraient lancés dans des études en lien avec les nouvelles technologies, il y a aujourd'hui une autre possibilité. Le documentaire le montre bien, je l'admets, même s'il en fait une apologie un peu lénifiante sur la durée. Ce choix peut cependant paraître justifié dans la mesure où le milieu du jeu vidéo reste encore perçu comme un nid d'attardés, de membres actifs de la NRA ou d'Andes Breivik en puissance par certains. J'aime donc l'image positive des joueurs qu'il véhicule, en montrant pour une fois autre chose que les vieux poncifs véhiculés par les mass médias. On y voit des jeunes adultes au comportement réfléchi, mais aussi une communauté pacifique, avec ses stars et ses fans. Dommage encore une fois que cet aspect soit aussi ponctuel dans le documentaire.
Autre aspect digne d'intérêt: les différences de mentalités. Le film montre bien en revanche que la mentalité Asiatique est très différente de la notre, dans la mesure où plus qu'être tolérante avec les gamers, elle les encourage en leur offrant un cadre sécurisé et adapté à cette activité. Elle constitue donc un vivier de joueurs professionnels particulièrement entraînés, avec une renommée qui confine à la crainte, apparemment. Mais il y a un mais, cette fois montrée avec un peu plus d'insistance dans le film. Cette plus grande considération donne en contrepartie une surcharge médiatique et donc émotionnelle chez les joueurs professionnels, qui met ces jeunes sous une énorme pression.
Le dernier point est donc celui qui m'a énervé, à cause de la corrélation entre le jeune âge de ces professionnels, trop peu armés à mon goût pour ce genre d'exposition médiatique, et la fin du documentaire. Il se finit avec un happy end aussi ridicule que choquant. Le jeune qui se remet en couple, le vainqueur qui voit sa cote de popularité exploser et autre joyeusetés du genre... C'est trop. Trop parce que l'on a quand même vu la précarité de ces jeunes qui vivent en freelance et qui sont marginalisés en dehors de leur milieu ou de leur communauté. Même en Asie, les parents inquiets restent inquiets, et la trop courte durée de vie professionnelle ne vaut pas encore de sacrifier ses études, ou sa vie sociale. FEAR a été contraint par sa mère de déménager car faisant partie d'une équipe Européenne et vivant aux États-Unis, il vivait la nuit. La tension familiale a été très forte et a donc engendré des mesures radicales. Qui saurait prétendre le gérer à moins de vingt ans ? Ce joueur avait plus d'ancienneté dans le milieu, mais a été quand même durement éprouvé par cet évènement. Sa mère prenant en photo la télévision (elle n'avait donc pas pris la mesure de l'évènement, sinon elle l'aurait suivi en direct) vaut-il tous ces sacrifices ?
Le gaming professionnel est certes en plein essor, mais je suis convaincu qu'il reste toxique pour les individus, dans la mesure où il les surexpose et les réduit à se balader partout dans le monde pour gagner des prix souvent ridicules... Et au prix d'une compétition acharnée. Sans compter les arnaques, qui sont mentionnées en coup de vent également, et qui sont malheureusement encore présente dans le paysage professionnel. Le pool de 1,6 millions de dollars ne reste qu'une tâche d'huile dans l'océan, et je ne pense pas que faire l'apologie de ce genre d'activité soit bénéfique pour le public auquel Steam s'adresse, à savoir une majorité de jeunes, voir de très jeunes. Il manque une contre analyse à cette image.
En conclusion, je dirai que ce documentaire est très bien réalisé, et qu'il est aussi immersif qu'instructif. Mais UNIQUEMENT si vous avez le recul nécessaire pour faire la part des choses, car il n'expose que sommairement l'envers du décors et les difficultés rencontrées par ces jeunes pour faire leur place, tout en montrant une image positive des joueurs. C'est très efficace. Mais c'est aussi trop partial. Alors bien sur, on ne peut pas non plus demander au fournisseur de se tirer une balle dans le pied, mais l'image véhiculée va bien au-delà d'une note positive, et l'ensemble manque cruellement de profondeur et de neutralité. C'est donc un documentaire à prendre avec des pincettes, car il est juge et partie. Vous avez une scénarisation très habile, qui est faite pour vous émouvoir et faire passer un message... Sans dire qu'il s'agisse de propagande, on peut en tout cas y voir une apologie certaine du gaming... Un documentaire à voir, donc, mais à mettre impérativement en balance.