Chez Bartas c’est davantage une affaire de narration sensuelle, en termes de plan que de l’illustration de scénario.
Freedom part sur un postulat minime : Afin d’essayer de charger des drogues sur un bateau pour un marché d’outre-mer, deux hommes étrangers et une fille locale sont moulés à terre sur la côte marocaine. Ils errent dans le désert intérieur à la recherche de nourriture, d’eau et d’un abri. Quand les deux hommes prennent des chemins différents, la fille est laissée pour suivre un d’eux au plus profonds dans le paysage abandonné. Bien qu’ils ne partagent aucun langage commun, un lien de se développe entre la fille et l’homme.

Le cinéma de Bartas est avant tout question de sens, tout y est extrêmement sensoriel, on ressent tout ce qui se passe dans le cadre. Les grains de sables qui se collent à la peau, le vent qui balaye les dunes, la danse des vagues, les caresses des rayons du soleil. L’évolution narrative ne passe presque jamais par le dialogue, plus ou moins 3 ou 4 répliques disséminées dans le film, mais possède un environnement sonore fascinant, puissamment lyrique. Un opéra symphonique de sons naturels. Faire parler et chanter le plan.

L’aspect le plus bouleversant du cinéma de Sharunas Bartas (tout du moins du peu que j’en ai vu), car c’est vraiment un cinéma émouvant, tiens dans sa façon à mettre à une même échelle narrative l’homme et la nature, l’homme et son environnement, qu’il soit minéral, sonore, visuel, vivant (animalier).
Il y est question d’errance, d’abandon de soi (pas uniquement toutefois) de liberté. Car comme le titre l’indique on se sent libre chez Bartas, on vit le plan, on le ressent, tout ce qu’il met en scène n’est pas écrit d’avance (en terme de finalité, de destin), il laisse libre cours à l’interprétation du spectateur, se contentant de montrer sinon le monde tel qu’il est mais sa propre vision du monde. On vit en somme.

C’est un cinéma de mouvements, mouvements des corps qui avancent sur le sable, mouvement des vagues, du vent, du soleil (qui se couche en même temps que l’homme), des animaux. C’est d’ailleurs assez paradoxal car on retient un certain statisme chez les personnages. Et pourtant le mouvement est là, tant extérieur qu’intérieur (car les sentiments aussi semblent évoluer au rythme des pas).

Il apparaît un contraste très fort entre la violence des situations et la délicatesse de leur mise en scène. Et lorsqu’un coup de feu ou un coup de point surgit au détour d’un plan, ça se traduit comme une sorte de cataclysme, bouleversant la sérénité du cadre.

C’est aussi un cinéma de traces, traces de pas laissées par les humains sur le sable, traces aléatoires d’un lézard perdu dans l’immensité du désert, traces naturelles engendrées par la mer et le vent. Le film raconte aussi ça. Le marquage, d’un lieu, d’un temps, d’un espace. Marquage temporaire ou indélébile. L’homme marche et laisse ses traces dans un paysage vierge mais la mer viendra recouvrir ses traces. La nature reprend son avantage à un moment ou à un autre. Le film peut alors se voir comme une façon de montrer que l’on est là, que l’on existe, qu’un simple mouvement a son importance. Bartas semble vouloir laisser ses empreintes, montrer qu’il est passé par là, les traces qu’il laisse seront peut être effacées petit à petit, recouvertes au fur et à mesure, il est important de les saisir au passage.
Teklow13
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le 26 nov. 2012

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