Quand ta fille te présente un dessin tout moche, tu lui dis que c'est "trognon". Quand elle fait tomber ton iPhone 12 Pro, tu lui dis que c'est pas grave. Quand un apprenti réalisateur met dix ans à sortir un condensé de courts-métrages, ça force le respect. Mais quand tu découvres que c'est une compile de séries Z torchées avec le cul, même avec les meilleures intentions du monde, tu dis pas que c'est "trognon", surtout si c'est présenté comme une "nouvelle approche de l'anthologie de l’horreur et du fantastique". Car faire un film sans budget est une chose, le promouvoir comme un produit sombre, hostile et novateur, ça met clairement le sheitan.
À travers trois courts distincts tournés en 2009 et 2010, Mr. Pig nous entraine dans les méandres de l'horreur cheap sans queue ni tête, interprété avec les pieds par des quasi-amateurs pas vraiment dirigés, le tout dans la maison de vacances de ton pote et derrière les murs d'une cave éclairée avec un halogène Ikea. Et ce qui aurait pu être un jeu d'enfants entre des mains plus expertes devient ici prétentieux, bordélique, ringard, amateur. Ce premier volet de la saga French Blood est une épreuve, un calvaire aux yeux des vivants, un couteau dans le cœur, parfois involontairement drôle mais dans l'ensemble sincèrement navrant. Après 1h20 de supplice, on en ressort livide, un amer goût dans la bouche, comme si le mauvais jeu des acteurs et la pauvreté de la mise en scène nous avaient vidé à l'intérieur.
Sketch n°1 : une parodie de Scream comme on en avait vu des centaines il y a vingt ans avec un zombie, un rêve dans un rêve (histoire d'être original) se finissant sur « Aaaaargh ! Aaaaaargh ! » Toudoum de Netflix approximatif pour faire sursauter. « J'ai glissé sur ton gode ! » Fin du sketch. Pas encore convaincu de la "nouvelle approche de l'anthologie de l’horreur et du fantastique" ? Alors Sketch n°2 : une variante mal foutue, mal montée et tristement chiante des "Livres de Sang" de Barker où la mort d'un scénariste devient un vaudeville éreintant et maladroit. Sketch n°3 : une resucée pérave de Frontière(s) finissant comme Martyrs, ni plus ni moins. Ils se sont pas foulés. Entre temps il y a une autre histoire fragmentée, un "fil conducteur" tourné en 2018, avec cette énigmatique femme tantôt à poil tantôt bouchère, dont les prochains épisodes donneront — on l'espère — quelques réponses quant à ses apparitions sporadiques.
Honorable intention de proposer une anthologie française, encore faut-il en avoir les moyens. Nous autres pauvres humains devons nous contenter de ce maléfique étron composé de trois courts-métrages tournés il y a dix ans et dont le réal' a absolument voulu vous les montrer depuis ce temps, tous cadrés et éclairés n'importe comment (le climax du dernier sketch est à vous coller le vertige), contenant moult ruptures de tons déplacés et des effets gore pas vraiment maîtrisés. L'unique point positif reste le teaser de l'épisode suivant, c'est dire. Cette première mi-temps censément sous haute tension s'avère être une belle arnaque de la plateforme Shadowz et ne pourra être défendue que par la horde, que dis-je, la meute de fanboys défendant le cinéma de genre franchouillard, aussi mauvais soit-il. Il y a-t-il encore de bons metteurs en scène dans le cinéma horrifique tricolore ? La traque peut commencer.