Lire cet après-midi la critique d'un autre film de Friedkin m'a rappelé que je n'avais toujours pas fait la critique de "The French Connection" alors qu'il y a un an environ j'avais fait celle de "French Connection 2" que j'avais titré "Un américain à Marseille", en toute bonne logique…

Les deux polars réalisés par deux cinéastes différents parlent du même sujet, à savoir, le trafic d'héroïne aux USA qui, dans les années soixante, passait par le sud de la France. L'autre point commun c'est évidemment les deux protagonistes, le flic des Narcotics, "Popeye" Doyle et le trafiquant français Alain Charnier. Heureusement, les deux cinéastes ont utilisé les mêmes acteurs : Gene Hackman pour le premier et Fernando Rey pour le deuxième.

Il y a une différence fondamentale entre les deux films : le premier génère une angoisse chez le spectateur devant les efforts désespérés et vains de Popeye pour choper ce Charnier ; le spectateur en ressort (délicieusement) frustré. Le deuxième film génère aussi une angoisse chez le spectateur mais sonne l'heure de la revanche ; le spectateur en ressort (délicieusement) apaisé. Si j'osais une métaphore "coquine", on pourrait dire que le premier opus conserve une puissance que ne peut plus avoir "french connection 2" du fait de l'accomplissement …

Ensuite, la bonne idée (rare voire très rare) des producteurs devant les succès publics des opus 1 et 2, c'est de n'avoir pas imaginé un French Connection 3 qui aurait tout gâché. Là on dispose d'un petit bijou, un diamant brut et noir à deux faces qui se suffit à lui-même.

Revenons à "The French Connection". La construction du récit est remarquable dès le départ dans la présentation du sujet et des différents protagonistes. On est à Marseille et à New York et les flics de base font du travail de base : surveillance, filature, infos données par des indics. On est presque dans le documentaire. On n'a pas d'idée des enjeux. Très vite, le jeu se durcit, devient âpre, sans concession. Les uns et les autres ne sont pas des enfants de chœur. Pour parvenir à extorquer une info, il faut faire encore plus peur que la partie adverse.

Le contexte d'un New York glacial (on est aux environs de Noël) contribue au réalisme des scènes qui sont très crédibles. Comme par exemple, la scène où Popeye (Gene Hackman), qui se pèle le jonc avec un mauvais sandwich, surveille Charnier et son acolyte Bozzuffi se tapant la cloche dans un bon restau (que je suppose au moins français) dont on entendrait presque les rots de satisfaction. Cette opposition des situations est d'une efficacité incroyable.

Bien sûr, il y a cette légendaire poursuite démente entre Gene Hackman, furieux et obstiné au volant d'une voiture, et une rame de métro aérien. Mais le film fourmille de détails très bien vus sur les comportements des flics entre eux. Popeye traine une réputation de bon (quoique !) flic obstiné mais très bourrin. Personne n'a trop envie de travailler avec lui car il un peu tendance à porter la poisse. Son jeune adjoint (excellent Roy Scheider) s'efforce d'arrondir les angles. Mais l'analyse du comportements des bandits est aussi fascinante. Charnier (Fernando Rey) qui vit en grand seigneur dans sa villa qui surplombe la baie marseillaise. Bozzuffi qui exécute froidement un flic qui avait une baguette de pain sous le bras. Au moment de partir (pas de fuir !), il marque un temps d'arrêt pour prendre un bout de baguette afin de se caler une petite faim.

D'un point de vue casting, Gene Hackman crève littéralement l'écran ; c'est un être primaire, obstiné, honnête des pieds à la tête, avec des tas de défauts mais profondément et simplement humain. De ce fait, il dégage de l'empathie. Quand il foire une action, le spectateur est désolé. Quand il tient Bozzuffi au bout de son flingue, le spectateur est content. En cela, je voudrais l'opposer à un alter ego au cinéma, Clint Eastwood dans l'inspecteur Harry. Autant je ne parviens pas à éprouver la moindre sympathie pour ce dernier qui joue avec un - désagréable – et - permanent - second degré, autant je me sens proche de ce que peut éprouver un Gene Hackman dans sa lutte inhumaine et inlassable contre les trafiquants de drogue.

Film réaliste, redoutable, haletant et efficace. Un excellent film à classer dans les films noirs…


JeanG55
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Films noirs et Les meilleurs films de 1971

Créée

le 3 avr. 2023

Critique lue 27 fois

7 j'aime

2 commentaires

JeanG55

Écrit par

Critique lue 27 fois

7
2

D'autres avis sur French Connection

French Connection
DjeeVanCleef
9

♫♫ Il porte un chapeau rond, vive le gros con ♫♫

Marseille(s), son soleil, son port, son linge qui sèche aux fenêtres, ses pubs Ricard et ses loufiats qui complotent, où tu rentres chez toi, sautillant, sifflotant, une baguette sous le bras, et où...

le 29 déc. 2013

74 j'aime

4

French Connection
Docteur_Jivago
9

All right, Popeye's here!

Alors qu'il est en train de surveiller un riche criminel français à Marseille, un policier se fait froidement assassiner. Dans le même temps, à New York, deux flics des narcotiques connus sous le nom...

le 24 déc. 2015

59 j'aime

15

French Connection
Dalecooper
10

LE polar emblématique du Nouvel Hollywood !!

Quand French Connection sort en 71, il fait l'effet d'une onde de choc, s'imposant d'entrée comme le film étendard du Nouvel Hollywood, le symbole d'une génération de réalisateurs cultivés et sales...

le 23 janv. 2011

43 j'aime

2

Du même critique

Le Désert des Tartares
JeanG55
9

La vanité de l'attente de l'orage

C'est vers l'âge de vingt ans que j'ai lu ce livre. Pas par hasard, je me souviens très bien qu'un copain me l'avait recommandé. J'avais bien aimé. Cependant, je n'ai jamais éprouvé le besoin de le...

le 7 avr. 2023

25 j'aime

33

125, rue Montmartre
JeanG55
8

Quel cirque !

1959 c'est l'année de "125 rue Montmartre" de Grangier mais aussi des "400 coups" du sieur Truffaut qui dégoisait tant et plus sur le cinéma à la Grangier dans les "Cahiers". En attendant, quelques...

le 13 nov. 2021

25 j'aime

5

La Mort aux trousses
JeanG55
9

La mort aux trousses

"La Mort aux trousses", c'est le film mythique, aux nombreuses scènes cultissimes. C'est le film qu'on voit à 14 ou 15 ans au cinéma ou à la télé et dont on sort très impressionné : vingt ou quarante...

le 3 nov. 2021

25 j'aime

19