Popeye à Marseille (et ça rime en plus)

Héros de French Connection de William Friedkin, "Popeye" Doyle se retrouve à Marseille sur la trace de Charnier, l'ignoble trafiquant de drogue et organisateur de la fameuse "filière française". L'idée de poursuivre cette investigation était très tentante pour la Fox qui désigna John Frankenheimer pour remplacer Friedkin ; il vient tourner en France avec de très gros moyens et emploie de nombreux acteurs français, notamment Bernard Fresson qui se débrouille bien en anglais (ça lui vaudra d'autres bons contrats dans des prod US), ainsi que des techniciens français, dont le grand chef opérateur Claude Renoir.
Réputé pour sa mise en scène à l'arrache, son sens du rythme et sa discipline, Frankenheimer a délibérément tourné dans des endroits insolites et parfois pourris de Marseille, refusant le côté carte postale, même si on voit l'inévitable basilique ND-de-la-Garde sur sa colline, et lors de la scène finale lorsque Doyle poursuit Charnier, la scène est tournée sur le Vieux Port, il fallait un décor connu pour immortaliser une conclusion au combat du flic américain venu prêter main forte aux petits Frenchies. Ces tournages furent souvent difficiles car les Marseillais n'aimaient pas trop qu'une équipe américaine en plus, vienne mettre le nez dans leurs affaires, mais la scène la plus difficile fut cette fameuse poursuite finale dans plusieurs rues étroites, en évitant au maximum de gêner la circulation, c'est un grand moment de fulgurance.
Sinon, même si Frankenheimer n'a pas la patte de Friedkin, il ne démérite pas, l'aspect psychologique est prenant : Doyle est un étranger perdu dans un pays dont il ignore les méthodes et la mentalité, il se sent seul, peu soutenu, les relations entre un flic newyorkais un peu instable et ses homologues français sont parfois tendues, et la confrontation avec la vie marseillaise est très réaliste, tout comme certaines scènes, mais tout repose encore sur Gene Hackman, même si Fresson n'est jamais loin ; sa performance lorsqu'il est capturé par Charnier, drogué à outrance puis désintoxiqué, est vraiment énorme, toute en intensité, ce mec prouve encore qu'il est un grand acteur. Du coup, Fresson qui trouve là un de ses meilleurs rôles, est obligé face à Hackman, de jouer un peu en force, cette dualité relative constitue un des atouts du film qu'on pourrait croire très inférieur à son modèle, il l'est certes, mais pas de beaucoup, c'est l'exemple d'une excellente suite qui reprend d'ailleurs pratiquement là où l'action s'était arrêtée dans le premier opus.
Je recommande de voir le film en VOST car ça joue sur la dualité de langues en creusant un fossé entre Doyle et les Français ; dans la VF, cet aspect est perdu, et de plus la voix française de Hackman qui est celle de Georges Aminel, le double avec un ridicule accent américain.

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le 14 mai 2018

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Ugly

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