Une fois n'est pas coutume, je vais faire la critique du film de Frankenheimer avant celui de Friedkin. Bien sûr, l'histoire du n°1 est antérieure au n°2 mais hormis ce "petit " détail, les films sont complètement indépendants et donc ce n'est pas gênant.
Le film de Frankenheimer se passe essentiellement à Marseille et raconte l'immersion du flic new-yorkais James "Popeye" Doyle dans un commissariat marseillais pour aider à s'emparer du trafiquant de drogue Charnier qui fournit notamment le marché américain.
La grande originalité du scénario est justement cette confrontation de la culture américaine, mais du Nord -Est des USA, face à la culture française, mais méridionale pour ne pas dire méditerranéenne. Pour corser l'affaire, le flic américain parle très mal le français ce qui ne l'aide pas vraiment dans son immersion. Je recommande d'ailleurs, pour un français, de visionner le film en VF pour que les contrastes soient plus saisissants. Un détail, en VO, les flics marseillais parlent anglais "fluently" ... alors que dans la VF, Fresson ne parle que peu anglais et quand il le parle, c'est avec un accent franchouillard très crédible.
Ce qui est aussi très crédible est la mauvaise volonté des flics français dans l'accueil de l'américain, qui est composée en partie d'un sourd mépris pour les "héros sauveurs du monde" et en partie d'une susceptibilité de chapelle (chacun dans son pré et les vaches seront bien gardées). D'autant que Frankenheimer n'aide pas vraiment "l'amitié entre les peuples" en faisant arriver Popeye en plein 1er avril où les flics français ne brillent pas par leur perspicacité et se font ridiculiser.
Mais, toujours sur le plan de la crédibilité, Frankenheimer n'est pas spécialement tendre non plus avec le flic américain qui, sans le savoir, avec ses gros sabots, commet plusieurs gaffes et contribue à l'assassinat d'un flic en planque.
Ce que j'aime bien aussi dans ce film, c'est le réalisme cru de diverses scènes que ce soit l'errance du flic américain dans un Marseille peu glamour avec ses rues sales, sa population hétéroclite et bruyante, ses trafics dans les arrière-cours ou encore dans les scènes de sevrage. Ce réalisme a pour effet sur le spectateur de le faire toucher du doigt un enfer ordinaire qui semble sans issue.
Côté casting, on est proche de la perfection.
Popeye, c'est bien entendu Gene Hackman dans le rôle du flic têtu, acharné et compétent. Mais aussi dans le rôle du flic américain qui, sorti de son New York natal, est chez des sous-développés incapables de comprendre les subtilités du base-ball ou de faire une cuisine décente et mangeable en l'absence d'hamburger dégoulinant de ketchup. C'est un anti-héros grossier, antipathique et ricanant. En bref, Gene Hackman est particulièrement convaincant.
Le commissaire français Barthelemy est interprété par un Bernard Fresson dont le personnage n'aime vraiment pas qu'on vienne marcher sur ses platebandes et encore moins qu'on lui explique ce qu'il a à faire. Il est tellement vrai qu'on pourrait donner des dizaines de noms de personnes existantes (en France).
Ensuite, il y a plusieurs seconds rôles très bons.
Fernando Rey dans le rôle du grand bourgeois à double vie. Comme dans le film de Friedkin, il est fascinant avec son air affable et bon vivant alors que c'est une belle ordure.
Philippe Léotard dans son rôle quasi muet dont on prend un plaisir jouissif lorsqu'il se fait défenestrer de son camion.
French Connection 2, c'est de l'excellent polar du niveau du n°1, dense, noir et haletant.
J'aime.