Les bons polars français récents ne courent clairement pas les rues. On a en tête certains des films d’Olivier Marchal ou les méconnus « Gardiens de l’ordre » ou encore « Antigang ». « « Frères ennemis » en fait partie même si on ne peut pas non plus dire que c’est un classique, la faute à une trame générale assez triviale à base de trafic de drogue et de vengeance dans les cités couplée à la sempiternelle et logique opposition du flic contre le gangster. La relative nouveauté ici est que les deux parties sont mises d’emblée d’égale à égale dans le cœur des spectateurs grâce aux rapports humains (davantage qu’un affrontement) qui vont se recadrer sur deux anciens amis ayant grandi ensemble, l’un étant devenu flic tandis que le second est trafiquant de cocaïne. Mais, comme souvent dans ce genre de configuration, notre cœur balance plutôt pour le second et on sent que celui du réalisateur aussi, le temps de présence à l’écran validant ce constat. Dans tous les cas Oelhoffen réalise son film dans le plus grand respect du genre et il choisit de le faire sans aucun artifice, privilégiant clairement l’âpreté et le réalisme à une quelconque glorification du métier de l’un ou de l’activité de l’autre comme on a pu un peu le voir, par exemple, dans l’excellent « La French ».
Les rôles offerts à Reda Kateb et Matthias Schoenaerts sont très bien écrits et leur permettent de délivrer des performances fortes et indubitablement réussies. Le premier excelle en flic taiseux et tiraillé entre ses racines et son devoir. Le choix de jouer son rôle en mode mineur est payant et sert le film. Quant au second, si dans la première demi-heure on est circonspect lorsqu’il joue les racailles de cité, il explose ensuite comme en fauve en cage avec l’intensité de jeu qu’on lui connait dès lors qu’il se retrouve aux abois. Dommage que le long-métrage met beaucoup de temps à les réunir car c’est lors des scènes de confrontation orale entre les deux acteurs que « Frères ennemis » nous offre ses meilleurs moments. Ils sont d’ailleurs trop courts et pas assez nombreux. Le film prend très bien le pouls des cités, sans aucun cliché ni poncif inhérent à ce microcosme si particulier, comme il le fait également très bien pour l’univers de la police et de ses différents services.
« Frères ennemis » est un polar brut de décoffrage, parfois surprenant, à l’intrigue passionnante mais ténue, voire parfois carrément nébuleuse. Moins de personnages, moins de noms cités et un déroulement moins tortueux n’aurait pas fait de mal au scénario. Attention de ne pas perdre le fil ou de zapper une bribe de dialogue sous peine d’être un peu largué sur les tenants et les aboutissants de cette affaire. Il manque peut-être aussi d’une bonne grosse scène d’action pour impressionner le spectateur friand de fusillades ou autre poursuite dignes de ce nom. Mais David Oelheffen préfère la sobriété la plus totale qui, couplée à un schéma convenu, empêchera peut-être ce long-métrage d’être vraiment mémorable. On est cependant face à un cinéma racé, intense et carré qui va droit au but et s’avère maîtrisé de bout en bout.
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