Bon, pour commencer j'ai attaqué Fresh en sachant d'avance et pertinemment vers quels horizons le film de Mimi Cave allait m’emmener ce qui aura peut être partiellement biaiser mon avis en ma gâchant l'effet de surprise de la rupture de ton qui s'opère après 35 minutes. J'aime aussi que les films qui abordent certains sujets délicats le fassent avec intelligence mais aussi et surtout avec une certaine radicalité de ton. Tout ça pour dire que ce Fresh ne m'aura au final que moyennement convaincu de son aura prétendument sulfureuse.
Le film raconte l'histoire de Noa , une jeune femme célibataire qui navigue de déceptions en déceptions au fil de rencards trouvés sur des applications de dating. Un jour elle rencontre dans la vraie vie un homme charmeur et charmant, attentionné et doux dont elle tombe amoureuse au point de le suivre sans trop se poser de questions pour un séjour romantique de plusieurs jours...
Fresh débute donc comme une petite et inoffensive comédie romantique avec une jeune femme célibataire charmante belle et douce qui rencontre un homme charmant, beau et doux pour une relation charmante, belle et douce. Pas de quoi se pendre aux rideaux mais la relation entre les deux tourtereaux sonne juste et le charme du duo Daisy Edgar-Jones et Sebastian Stan fonctionne suffisamment pour que l'on adhère à ce coup de foudre quasiment immédiat ponctué de quelques jolis scènes comme celle de la danse improvisée qui trouvera son pendant plus tard dans le récit. Le film introduit également le personnage de la bonne copine et confidante un poil cliché mais pas trop boulet avec Mollie ( Jojo T Biggs) ; De toute évidence Mimi Cave et sa scénariste Lauryn Khan s'amusent des clichés inhérents à la comédie romantique pour mieux les retourner ensuite. La rupture de ton va s'opérer après 35 minutes avec cette excellente idée de l'introduire par le générique tardif du début du film comme si Fresh ne commençait finalement vraiment qu'à cet instant. Le film glisse alors vers le film de psychokiller cannibale et le survival tendu dont la radicalité ne devra se mesurer qu'aux oreilles de Mickey, car si le film est assez couillu pour une production Disney, il reste pour le meilleur comme pour le pire un rien malaisant dans le fond mais très soft et retenu dans la forme.
Assez paradoxalement les raison pour lesquelles je ne parvient pas à totalement adhérer à la proposition de Mimi Cave sont celles qui font la sympathique singularité du film. Car si Fresh sombre dans le thriller avec un fond perturbant de cannibalisme, séquestration et commercialisation de la chair des femmes, l'ensemble reste sur un ton doux amer de comédie noire qui semble ne jamais vraiment vouloir pleinement perturber les spectateurs, en tout cas aucunement les traumatiser. Bizarrement si mentalement nous sommes conscient de l'horreur qui se trame derrière cette histoire, à l'image tout reste assez désespérément clinique, froid et bien trop propre. Si pour certains spectateurs il suffit de dire qu'un morceau de viande dans un plat raffiné est de la chair humaine afin de leur provoquer des hauts le cœur, pour moi cela reste une jolie assiette bien trop inoffensive. De la même manière notre boucher est aussi chirurgien et il opère bien proprement ses victimes évitant tout l'aspect un rien crapoteux de l'entreprise, à tel point que je ne sais pas très bien si tout cela n'est pas finalement un brin hypocrite. Si le film reste sulfureux pour une production estampillée Disney, les vieux baroudeurs du gore italien et de leurs films de cannibales trouveront tout de même ceci bien sage et inoffensif. Sans verser d'un coup dans l'outrance gore, le film aurait gagner à mon sens à apporter une rupture graphique tout aussi brutale que celle de son récit.
Pourtant même si j'aurai aimé une radicalité un peu plus crasse à mesure que le film avance, je dois reconnaître à Mimi Cave et au script de Lauryn Kahn de bien belles qualités notamment dans cette façon de faire revenir un jeu de séduction et de comédie romantique au cœur de cette seconde et sombre partie du récit. Car si dans un premier temps c'est Steve qui séduit Noa afin d'en faire sa victime, par un assez brillant jeu de miroir c'est ensuite Noa qui va tenter de séduire et manipuler Steve afin de trouver une possible porte de sortie à sa captivité. Des éléments du premier récit très ancrée dans une pure comédie romantique trouvent ainsi un pendant et une correspondance tordue dans un second acte durant lequel on s'interroge avec malice sur la viande que l'on consomme et surtout ou l'on danse une nouvelle fois dans une étrange et lascive cérémonie de séduction pas du tout innocente.
Fresh est donc objectivement un film parfaitement et assez intelligemment construit, mais il lui manque ce petit rien d’aspérités qui en ferait à mon sens un authentique grand film.