Maurice LEHMANN est d'abord un homme de théâtre et a réalisé au cinéma une poignée de films avec l'aide de Claude Autant-Lara. Pour "Fric-Frac" sorti en 1939, ce dernier n'est même pas crédité au générique …
Le scénario, adapté d'une pièce de théâtre, raconte les tribulations d'un employé de bijouterie, naïf et brave, qui se met à fréquenter un milieu de petites fripouilles pour tenter de gagner les faveurs d'une nénette, Loulou. Bien évidemment, le fait d'être employé chez un bijoutier est un élément qui plaide en faveur de Marcel auprès de Loulou qui y voit une belle occasion facile de s'enrichir.
Au-delà de l'histoire somme toute assez simplette, le film est d'abord un numéro d'acteurs servi par les dialogues savoureux de Michel Duran.
C'est le choc frontal – mais bon enfant - entre deux mondes, celui des gens bien élevés et instruits "J'eusse apprécié que vous vinssiez seule" et le monde de la gouaille, du javanais, de l'argot, de la rue, quoi.
Tout tourne autour du personnage central Marcel, joué par un Fernandel qui semble sorti tout droit du "Schpountz" sorti l'année précédente. Marcel est cet employé de la bijouterie, harcelé par la fille du bijoutier qui voudrait en faire son mari (à sa pogne) mais subjugué par une aguicheuse Loulou qui semble respirer l'amour, le vrai. L'amusant, c'est que le brave Marcel a un peu perdu sa faconde provençale pour (tenter de) adopter un accent parisien pointu.
Loulou, c'est évidemment Arletty dans son rôle de titi parisien, belle plante brune avec les mèches de ses cheveux en accroche-cœur. À l'aise partout, sauf avec son homme qui est en taule et qui lui mène la vie dure, elle ne fait qu'une bouchée du pauvre Fernandel. C'est d'ailleurs elle la tête pensante du fameux fric-frac en poussant son pote Jo à se mettre au travail pour ouvrir le coffre-fort de la bijouterie.
Et Jo, dit "les bras coupés parce qu'il n'aime pas se fatiguer", c'est un inénarrable Michel Simon qui assure la position du "perceur de coffiots" sauf qu'il n'aime pas le risque et sauf qu'il est avant tout fainéant.
Michel Simon, Arletty et Fernandel, c'est le trio de choc du film. L'astuce qui fait que le film connut un grand succès en 1939, à mon avis, ce n'est pas tant l'histoire dont j'ai déjà dit qu'elle est simplette que les trois acteurs jouent des rôles correspondant à l'image que le public attendait d'eux.
Si pour Fernandel, le personnage rappelle "le Schpountz", Arletty épouse ici une espèce de réplique du personnage Raymonde en 1938 dans "Hôtel du Nord" ("atmosphère, atmosphère"). Quant à Michel Simon, c'est l'habituel anar truculent et pique assiette que l'on a vu un grand nombre de fois.
Face à ces trois "gueules" du cinéma, il y a Hélène Robert qui tient particulièrement bien sa place de femme bourgeoise dans le rôle de la fille du bijoutier qui tient à récupérer son Fernandel en se commettant dans l'enfer de la fripouillerie.
Même si le film se termine par une leçon de morale un peu désuète aujourd'hui, personnellement, j'en reste à la jouissive leçon donnée par Michel Simon à Fernandel en lui démontrant qu'il n'existe personne dans la société qui soit complètement honnête… et que lui, finalement, a au moins le mérite de ne pas être hypocrite en paraissant ce qu'il est.
Et, pour finir, je ne résiste pas à citer cette autre leçon de séduction de Fernandel par Michel Simon.
LOULOU : moi, y'a qu'un endroit où je suis chatouilleuse. Alors là, ça me rend dingo.
MARCEL : ah oui ? Où c'est ?
JO : c'est aux doudounes qu'elle est sensible.
MARCEL : aux doudounes ? Mais qu'est-ce que c'est que ça, les doudounes ?
JO : les gaillards, les roberts, les nénés, quoi ! Faut tout lui expliquer à ce mec-là, il n'entrave rien !