Vingt ans après la chute du Mur de Berlin, le 9 novembre 1989, Hannah Schott publiait son livre pour enfants « Fritzi war dabei : eine Wendewundergeschichte » (2009), illustré par Gerda Reidt. Une bonne dizaine d’années plus tard, Matthias Bruhn, déjà réalisateur de plusieurs films d’animation, et Ralf Kukula, secondés par Beate Völcker et Péter Palátsik au scénario, enrichissent la trame du petit récit, font surgir des personnages, humains ou animaux - tel le chien Sputnik, objet transitionnel essentiel -, ainsi que des péripéties.
En résulte un film infiniment tendre, qui ne masque pas, toutefois, la dureté inhérente au sujet traité : la fin de la RDA, de l’été à l’automne 1989. L’événement est vécu à travers les yeux d’une petite fille, Fritzi, au tournant qui relie l’enfance à l’adolescence. Âge de la perte et du gain... De fait, elle perdra, provisoirement, sa meilleure amie, Sophie, qui fuit Leipzig à la faveur de prétendues vacances en Hongrie. Et elle gagnera un ami de cœur, Bela, qui l’accompagnera dans son désir et ses tentatives pour rapporter l’affectueux Sputnik à sa grande amie, qui lui avait confié son joli petit chien en partant.
Si les extérieurs sont aussi maussades que dans tous les films consacrés à cette période - des célèbres « Good Bye, Lenin » (2003) à « La Vie des autres » (2006), en passant par la réalisation de l’acteur helvète Vincent Perez, « Seul dans Berlin » (2016) -, le dessin ménage une belle chaleur dans les intérieurs, seuls espaces où peut effectivement se réfugier la vraie vie. Et que dire de la magnifique idée de la cabane dans l’immense arbre qui se dresse devant l’immeuble des deux amies ?! Création excellemment permise par l’animation ; à moins d’être un Wes Anderson ; et encore... il y a moins de magie dans les constructions du réalisateur américain. Car, ici, ce nid humain niché dans le grand arbre transforme celui-ci, avec ses lumières scintillantes, en une sorte de sapin de Noël permanent, célébrant la fête infinie de l’enfance ; mais il peut aussi se faire préfiguration d’un abri plus adulte, lorsque Fritzi y conduit son nouvel ami...
Une même tendresse englobe la figuration des êtres vivants : la petite Fritzi, à la fois espiègle, questionnante et résolue, ses deux parents, d’abord confinés dans une prudente discrétion qui n’exclut pas l’affection, mais osant ensuite se risquer sur les pas de leur fille, l’ami attentif et dévoué ; sans oublier Sputnik, à qui nombre de charmantes attitudes très réalistes sont prêtées...
La Grande Histoire ayant, pour une fois, opté pour un happy end - quoi que l’on puisse ensuite penser de ses conséquences -, le film peut gambader vers une fin heureuse. Mais il parvient toutefois à sonder au passage les abîmes frôlés, et permet que l’on n’oublie pas...