Reprenons Frontière(s).
Sur le papier, nous avons :
- L'histoire qui débute en France où l'extrême droite gagne aux élections. Dans la ville, c'est l'émeute générale. De là fuit une bande de jeunes racailles qui passent la nuit dans une auberge à la frontière. Auberge occupée par une famille dégénérée de rednecks, dont le patriarche est un nazi, qui vont les éliminer. Le film inclut des scènes de boucheries, du survival, du sadisme, de la torture, de la violence, etc... Pour résumer, ça raconte une bande de jeunes poursuivis et massacrés par des méchants sadiques, ces jeunes étant des gens de la ville, les méchants sadiques étant des bouseux pas sains psychologiquement et qui ne sont jamais sortis de leur trous. Le postulat de départ est basique, ça fait même penser à Massacre à la tronçonneuse comme des centaines de films influencés par ce dernier. Ceci n'est pas des plus étonnants et des plus handicapants au vu des intentions de départ.
- La volonté de faire un film d'exploitation, trash et gore. De l'hémoglobine, de la crasse et un esprit sans concession et frontal comme on en faisait à l'époque du cinéma d'horreur des années 70. Il y a même de l'hommage car l'acteur qui joue le nazi ressemble fortement à Howard Vernon. Je pense aussi que le film veuille faire référence à Massacre à la tronçonneuse. Le but est donc bien de faire plaisir au spectateur, de faire du bis sans limite. Et cette outrance sera diverse. Aussi bien bour les personnages, dont un qui survit malgré tous les coups qu'il prend, à savoir un coup de fusil, un accident de voiture, une hache sur la tête et pour finir accroché la tête en bas encore vivant, que pour les différentes techniques visant à faire souffrir et/ou tuer. Parmi celles-ci on y trouvera par exemples une scie circulaire, des tendons d'Achille coupés, un personnage fondu, une explosion et même une plongée dans une mare de merde.
- Un cadre politique dans l'actualité et même que ça veut faire passer un message. Cela peut être intéressant de savoir ce que le film dit, le cinéma de genre étant généralement fait en masse, il est plus représentatif de l'état d'une époque donné dans un lieu donné qu'un film d'auteur qui sera très personnel. Mais je crains que le film veuille se la jouer auteur, ce qui est plutôt contradictoire avec le cinéma de genre, et risque d'en souffrir si ce n'est pas bien maîtrisé, donnant une oeuvre bancale.
A voir le film, nous avons :
- Tout d'abord des acteurs pas crédibles. A commencer par les racailles dont les dialogues consistent à 50 % de vulgarité, 50 % de banalité. Dans le cas présent, cela répond à la volonté de faire quelque chose d'outrancier. Ces dialogues ne font avancer en rien l'histoire, elles sont là pour faire jubiler le spectateur assistant à un concours de bites. Pour les bourreaux, les beuglements de Samuel Le Bihan sont forcés, tout comme la putasserie d'Estelle Lefébure et les autres caractéristiques de tout le monde. Les acteurs sont en roue libre, tout est appuyé, surligné, encadré et exposé. Mais on n'y croit pas une seconde, on voit que c'est joué, artificiel, pré-fabriqué et le résultat donne un décalage grossier.
- Des moments vraiment explicites avec beaucoup beaucoup de sang et beaucoup beaucoup de torture. Paradoxalement, la seule scène de sexe est très pudique. Elle consiste à une bataille de polochons avec des garçons pas moins habillés que dans le reste du film, et des filles qui gardent leurs soutiens-gorges et leurs jeans. Très curieux dans un film qui se veut extrême, cela crée également un décalage fort.
- Un environnement de base pour tout amateur de films d'horreur. L'histoire se passe de nuit, dans une baraque paumé dans la campagne. De plus, le cadre crasseux et l'esthétique de la saleté rappellent Massacre à la tronçonneuse. L'imagerie bien connue est présente, le sous-genre bien illustré.
- Un message politique qui consiste à dire que l'extrême droite est semblable à des nazis bourreaux. J'ai du mal à développer ce point-là vu comme cela parait si basique dans le film. Ce message apparait comme un dernier acte dans une fin ouverte mais qui ne va pas plus loin que ça. C'est vraiment basique, carrément crétin et pas réfléchi.
Après tout, la seule véritable originalité de ce film est cette façon constante de sur-appuyer chaque détail, éloignant toute notion de subtilité du métrage. Le scénario classique, ses rebondissements habituels et l'univers sont du déjà vu et revu. Reste à savoir dans quel esprit a-t-il été fait. Considérer un film à travers la volonté du réalisateur qui y transparait est un des meilleurs moyens de le critiquer, il sera perçu différemment en fonction de l'ambition, du sérieux et d'autres caractéristiques subjectives propres au créateur.
Tout compte fait, c'est un film qui, entre les mains de la Troma aurait été une joyeuse bisserie outrancière volontairement Z, reprenant les ingrédients ratés et autres crétineries de mauvais films de genre pour les tourner en dérision. Une parodie qui donnerait un bon film.
Mais ça aurait aussi pu être pour une boîte ritale fauchée et Bruno Mattéi avec ses personnages idiots et son excès de connerie. Et à vouloir surfer sur le succès de Massacre à la tronçonneuse, un bon plagiat des familles ne serait pas de refus. De même qu'un amateurisme apparent et un je-m'en-foutisme feraient jubiler le spectateur devant un nanar.
Malheureusement, c'est fait au premier degré, peut être son unique défaut finalement, et c'est un sacré navet. Il y a quand même du fric à l'écran, sinon il y aurait pu y avoir le logo d'Eurociné, la boîte française cheap qui pensait réellement faire un film terrifiant avec Le lac des morts-vivants, que ça ne choquerait pas. Et je dis que ça me rappelle Eurociné, une boîte française, mais ça fait plus fortement penser à la sous-culture américaine avec un énième sous-Massacre à la tronçonneuse. Nous sommes en 2007 et ça veut nous faire réellement peur, avec des rednecks en France, non mais sans déconner...
Du cinéma de geek de 15 ans qui a le kiki tout dur.