Frontière(s) par Mickaël Barbato
France, 2002, l'entre deux-tours des élections présidentielles. Un "n'est-ce pas" retenti dans le pays des fromages qui puent, Jean-Marie Lepen est qualifié pour le second tour. Des émeutes éclatent un peu partout, des images annonciatrices d'une autre rébellion qui surviendra dans les banlieues. Un petit groupe de ouaich-ouaich se fait courser par les keufs t'as vu, avec un bon gros tas de roros entre les mains. Le frère de Yasmine, jeune femme enceinte de l'un des fuyards qui l'a quitté il y a peu, se prend une bastos dans le buffet. Son état force ses complices à le déposer dans un hôpital, où il trouvera la mort. Il leur faut alors prendre la route pour rejoindre Amsterdam où ils pensent pouvoir couler quelques jours paisibles. En route, alors qu'ils approchent de la frontière luxembourgeoise, ils s'arrêtent dans une auberge, où ils sont accueillis par une bande de sociopathes apparents. Mais rien n'y fait, les jeunots veulent se reposer...
Premier film de Xavier Gens (tourné avant la catastrophe Hitman), tout les problèmes du cinéma de genre français s'y sont donné rendez-vous. Tout d'abord, et c'est la tare ds auteurs de l'horreur française, on tient là un scénario indigeste de par son déjà-vu. Le fait que ce soit une production Europa Corp n'arrange certainement pas les choses, et on a très vite la sale impression de se retrouver devant un clone mal singé de tout ce qui a connu un certain succès outre-Atlantique. Bien sûr, on pense à Massacre à la Tronçonneuse, mais aussi à The Descent ou encore La coiline a des yeux. Le truc, c'est que Gens a tellement bien digéré l'école Besson que ses tics s'y retrouvent catapultés. Le début fait penser à un Yamakasi épileptique et tellement bordélique qu'on ne comprend pas à temps les enjeux de l'histoire. Le paquet de pognon apparaît furtivement, on devine qu'un d'eux vient de s'enfuir de taule. Le réa préfère se concentrer sur l'action foutraque et très cheap au lieu de nous présenter ses personnages, en pensant que la seule situation suffira. Grossière erreur.
Car là est le vrai scandale du films. Ce n'est pas son gore excessif, qui ne remue plus personne dans notre bien triste époque. C'est la sous-exploitation de la situation. L'idée est bonne, on se dit qu'on tient enfin un film de genre reposant sur du fond. Las, il s'agit juste d'un prétexte, et surtout le message véhiculé n'est pas clair. Frontières ? Celles de l'esprit blabla, ça c'est pour les kékés. Non, le film dit simplement, en réduisant le champs de vision du spectateur à cette auberge, que le France profonde est peuplée de gros racistes responsables de la situation politique du pays alors que la capitale se rebelle. Outre l'inexactitude crasse de cette pensée, il faut surtout souligner l'incapacité de Gens à se poser des questions sur son sujet, à gratter et chercher ce qu'il y a derrière ces résultats effrayants. Mais comme ça le forcerait à donner des réponses dont les chances de passer la censure sont plus que pauvres, le réa se couche. Il se couche devant la toute-puissance de ceux qui lui demandent de coucher sur l'affiche un message soit-disant informatif mais vraiment mercantile.
Vide de tout engagement, clairement sans couilles et inoffensif, le film compte sur son visuel avant tout. Alors oui, la lumière est quelque fois sympa pour un tel budget, seulement Gens, tout comme il n'a rien à dire, n'a rien à montrer. Alors il tente l'esbroufe, des mouvements inutiles pour se faire mousser mais sans aucune utilité pour une narration rendue bancale. Alors, ça tremblotte et ça gicle, histoire de faire passer la pilule aux quelques âmes perdues attirées par la seule affiche racoleuse. Mais même niveau gore et action, c'est la grosse déception. Rien ne vaut cette réputation de film ignoble, dégueulasse etc, l'amateur de barbaque en sera pour ses frais.
C'est à se demander pourquoi ce film a pu jouir, à l'époque, d'une telle couverture de la part de la presse spécialisée ? On devine les raisons, évidemment, et on ne peut que le regretter. Yannick Dahan, dans ses envolées lyriques si célèbres, a oublié d'évoquer la performance des acteurs tout simplement odieuse. Il faut voir la malheureuse Karine Testa jouant l'état de choc lors du final. La direction a dû être celle-là : "t'as vu Star Wars épisode 3 hein, t'as vu la fin et la démarche de Darth vader ? Ben tu me fais la même, ça va être trop lol".
Rien à en retirer, à part une certaine lassitude.