Allez, je vous refais le coup de la critique multimédia, avec une bande son à écouter en lisant la suite :
https://www.youtube.com/watch?v=_rPeZ340piU
Et j'enchaine sur un préambule historique (récent). En février 2014, le président pro-russe, élu, de l'Ukraine, Viktor Ianoukovytch est destitué (de manière un peu borderline par rapport à la constitution, d'ailleurs) à la suite des émeutes de la place Maïdan (à Kiev) et de la répression qui s'ensuit. Un nouveau gouvernement, pro Union Européenne, se met en place et Poutine accuse plus ou moins ouvertement l'Allemagne d'avoir fomenté un coup d'état. Il en découlera la sécession de la Crimée, rattachée par la suite à la Russie par voie référendaire, et le début d'une guerre civile dans l'Est de l'Ukraine, mettant aux prises pro-russes et loyalistes. Qui a tort, qui a raison, ce n'est pas le sujet ici, mais c'est bien la toile de fond sur laquelle se déroule Frost. Puisque cette guerre civile n'est pas terminée.
Film dont le pitch est simplissime. Un couple de jeunes lithuaniens paumés se retrouve, par un concours de circonstances, à acheminer de l'aide humanitaire (on ne saura jamais ce que contiennent véritablement les colis) aux loyalistes ukrainiens. Une longue trotte, en hiver, dans une fourgonnette. Est-ce parce que leur voyage est mal organisé ou alors un choix délibéré de leur part, on ne le sait pas très bien, mais toujours est-il, qu'alors qu'ils devaient livrer leur marchandise à Kiev, ils roulent toujours plus vers l'est, se rapprochant ainsi des zones de combat.
Et Frost mérite bien titre : nos deux lithuaniens traversent une Ukraine glacée, désolée, de plus en plus ravagée par la guerre. C'est réalisé dans le plus pur style du cinéma russe, sur un rythme lent, avec peu de dialogues et peu de musique, et de superbes images. Oui, le film dure deux heures, ce qui explique d'ailleurs ma note assez moyenne, je ne suis pas un grand fan de ce genre de cinéma. Mais pour autant ça ne retire rien aux qualités de Frost.
Et ils vont croiser au cours de leur errance, d'abord des journalistes et des humanitaires désabusés pour une nuit de beuverie dans un hôtel de luxe, puis au fur et à mesure qu'ils approchent du front des soldats ukrainiens, avec lesquels ils vont deviser plutôt longuement de guerre et aussi de la vie en général, cela coupant les interminables moments de silence évoqués ci-avant. Car Inga et Rokas ne se parlent guère quand ils sont seuls. A ce stade, si vous avez lu attentivement, j'espère que vous aurez compris que ce film n'est guère folichon, et c'est un euphémisme.
Il en ressort en définitive l'impression d'un conflit absurde et dénué de sens, peuplé de personnages fantomatiques et à la dérive, auxquels Inga et Rokas viennent se joindre presque naturellement, dans une sorte de quête pour trouver avec qui partager la vacuité de leur propre existence. Dans cette Europe centrale dont l'avenir rejoint sans cesse le passé, prise en tenaille qu'elle est entre les deux puissances qui cherchent à y étendre leurs zones d'influence. Just a little bit of history repeating, en définitive.