Another day, another murder.
Un fait réel, n'est jamais un sujet facile, plus encore quand il est récent et ramène l'Amérique à l'un de ses vieux démons, le racisme. Au moment du drame, Ryan Coogler était un étudiant californien de 21 ans. 5 ans plus tard, il décide d'en faire son premier film, assumant aussi bien la réalisation, que l'écriture, avec le soutien de Forest Whitaker à la production.
Ryan Coogler a pris comme angle, de raconter la dernière journée dans la vie d'Oscar Grant, tout en évitant d'en faire un portrait élogieux, ne prenant pas parti, ou partiellement. Pour interpréter celui-ci, il a choisi Michael B. Jordan, déjà excellent dans 2 grandes séries de ces 10 dernières années, "The Wire" & "Friday Night Lights", il explose définitivement ici. Il bouffe l'écran, étalant tout son talent, en abordant toutes les facettes d'un personnage qui ne cache pas ses côtés obscurs.
Un jeune père de 22 ans, d'une adorable jeune fille de 3 ans, il prend soin de sa mère, de sa sœur et bien sur, de son amie, mais c'est aussi un dealer de stupéfiant, un séducteur, un ex-détenu, incapable de garder un emploi, avec une tendance à s'emporter facilement.
Le déroulement de cette journée, permet de le découvrir, d'être en empathie avec lui, en le voyant surtout jouer avec sa fille. On joue sur nos cordes sensibles et généralement, je n'apprécie pas ce procédé, cette prise d'otage émotionnelle, mais le sujet est trop fort, la gêne s'efface petit à petit, disparaissant définitivement avec ce flash-back ou on le retrouve en prison, sa mère lui rendant visite. Le dialogue qui s'ensuit entre eux, conforte l'idée qu'on se fait de lui, tout en modifiant la perception de ses rapports avec elle, cela amorce un début de gorge nouée, la tension qui était présente dès le début avec la vraie vidéo de son meurtre, devient de plus en plus forte.
La course avec sa fille est magnifique, drôle et émouvante, sublimée par un ralenti qui n'a rien de superflu. Leurs échanges sont touchants et drôles, il y a de l'amour, mais il en a aussi pour toutes les femmes de sa vie, dont il est le seul homme, on n'aura jamais une seule allusion sur son père.
Même si on connait le dénouement, on n'est pris, on est dedans et il est très difficile de contenir son émotion. La scène de l'interpellation au faciès; après une altercation banale, en ce jour de l'an, qui est censé être une fête, mais qui est aussi celui de l'anniversaire de sa mère; est violente, très violente. Le malaise est palpable, on a envie de crier "NON", de s'interposer, de lui sauver la vie mais on ne peut réécrire l'histoire, on aimerait bien, mais c'est impossible et on va en souffrir, les larmes affluents, je les retiens, car je suis dans une salle de cinéma, mais il est évident que j'aurai craqué, seul devant mon écran de télévision.
La puissance du film, c'est de nous prendre à la gorge et de nous faire exploser à la fin, devant ce crime raciste; ou pas, chacun se fera son avis; car bien avant que le coup de feu soit tiré, la violence physique est déjà présente. Cette violence qui caractérise une Amérique, qui ne cesse de combattre ses vieux démons, dont le racisme en est un des éléments les plus récurrents.
Ce film est plus proche du documentaire dans son sujet, que d'un film, même si la réalisation et les acteurs (trices) sont excellents, tout comme l'écriture. On pense plus au crime, à la quasi-impunité de ce policier, qui aurait confondu son arme avec un taser, condamné pour homicide involontaire (là on touche le fond), une peine de 2 ans, mais dont il ne fera que 11 mois, incompréhensible. Pendant ce temps, Tatiana Grant, ne reverra jamais son père.