La parole est à l’accusation
Je ne vais pas mentir, j’ai de premier abord bien aimé ce film, inspiré d’un fait divers qui a provoqué une série d’émeute et de vifs débats dans la baie de San Francisco.
J’ai été touché par le destin d’Oscar Grant, cet ex-taulard, jeune père de famille, ayant eu le malheur d’avoir pris part à un « incident » dans le métro. Sous les yeux de ses amis et des passagers de la rame, il sera injustement abattu sur le quai, face contre terre, par un officier de la Bay Area Rapid Transit Police qui clamera plus tard qu’il avait confondu taser et flingue. Ben voyons.
Je ne vous spoile rien d’ailleurs, car le dénouement est montré durant les premières minutes du film. Le développement lui, nous montre comment Oscar en est arrivé là, et ce qui arrive après le tir.
Le principe est de nous attacher au héros, en nous montrant combien c’est un bon père, qu’il a arrêté le deal, qu’il célèbre l’anniversaire de sa mère en lui achetant des crabes très chers, et oh, il en prend trois au lieu de deux même s’il n’a plus un rond, regardez combien il aime sa famille, et en plus il aide sa sœur financièrement, il tient la porte aux femmes enceintes et assiste éploré à l'agonie d'un pauvre chien écrasé par une voiture, qu'il porte dans ses bras jusqu'à ce qu'il rende l'âme.
Car voilà, Fruitvale Station est terriblement manichéen, et c’est bien là tout le problème.
Le réalisateur, très touché par l’affaire, clame qu’il a voulu redonner de « l’humanité » à Oscar, dimension oubliée par les médias. (Et ça marche, j’ai chialé, j’avoue.)
L’ambition est louable ; mais elle s’arrête là et n’amorce par une dénonciation d’un quelconque système : ni le délaissement des populations défavorisées du quartier où vivait Grant, ni le fonctionnement de la BART Police (sous-effectifs, mauvaise formation, etc…) ne sont remis en cause.
Le film ne fait pas passer totalement les flics pour des salos, non, il faut dire que la BART Police mise en cause dans le film a aidé à sa réalisation.
Mais il ne propose qu’une celle version de l’histoire, celle des victimes, pour ne pas froisser l’opinion publique et donner dans le pathos.
Et c’est bien dommage.