A l'ombre des grands cinéastes allemands, Les films de Doris Dörrie n'avaient jusqu'alors guère attiré l'attention, leur rare distribution hors d'Allemagne, à la notable exception de Cherry Blossoms, y étant sans doute pour beaucoup. Son œuvre la plus connue avait pour cadre le Japon comme son dernier film au titre explicite et reminiscent : Fukushima mon amour. Ce n'est pas un documentaire mais le fait d'avoir planté les caméras au plus près de la centrale maudite lui donne bien entendu une authenticité et un réalisme suffocants même si la réalisatrice reste très digne et ne cherche pas à faire des images choquantes. C'est du côté de la fiction que la cinéaste se place avec une histoire simple et touchante d'amitié qui sort des sentiers battus. Entre une allemande venue se soigner auprès de "gens qui vont mal" et une vieille japonaise qui a tout perdu va se nouer une relation étonnante, qui ne nie pas les différences de culture mais qui s'attache surtout à démonter les mécanismes de la souffrance et de la culpabilité. En Les relativisant aussi et en y instillant un humour sans concession. Porté par deux actrices en état de grâce, le film se risque vers les rivages du fantastique avec ses spectres irradiés. On est loin de Hiroshima mon amour et le titre original ne fait d'ailleurs aucune référence au film de Resnais mais sa délicatesse et son essence humaniste en font l'une des œuvres les plus touchantes de ces derniers mois. Il est hélas à prévoir que sa distribution confidentielle et son triste sujet ne soient pas de nature à drainer les foules.