Fraichement affublé d'une nouvelle affiche semblant figurer les visages des figurines Pop! Funko de Power Rangers sous ecstasy, Fumer fait tousser apparait dans la filmographie de Quentin Dupieux après un Incroyable mais vrai! qui paraissait déjà entamer un début de transition. Ou plutôt de virage. En effet, après les capsules sucrées qu'il nous a proposé depuis Réalité en 2014, il semble opérer un revirement vers un cinéma plus nostalgique et plus questionnant.
Alors ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit: Mandibules, Le Daim ou Au Poste ! n'étaient point décérébrés, loin de là ! Mais ils s'apparentaient plus, à mon humble avis, à des expérimentations dans différents genres où Dupieux y apposait forcément sa patte absurde.
Et de l'absurde, dieu sait si on en retrouve dans Fumer fait tousser. Du synopsis halluciné aux combats de Power Rangers en lycra contre des tortures certes machiavéliques mais surtout caoutchouteuses, on en a pour tous les goûts. Et la construction en film à sketchs insuffle au récit un rythme basé sur l'attente qu'on retrouvait déjà dans Incroyable mais vrai ! J'espère d'ailleurs toujours pouvoir entendre la fameuse histoire de Mercure, alias Jean-Pascal Zadi...
Et en disant cela on se doit d'évoquer son casting tout bonnement lunaire: Chabat, Poelvorde, Demoustier, Lellouche, l'équipe du Palmashow, Tillier,... pour ne citer qu'eux. Et tout comme chaque sketch trouve sa place, son rythme et sa durée au sein même du long-métrage, chaque acteur de cette interminable liste arrive à trouver sa fonction dans l'univers loufoque de Dupieux.
Un univers ici émaillé de références puisqu'on y retrouve un alias de Trevor the rat de Meet the feebles incarné par Chabat et dénommé... Didier, des explosions sanguinolentes lorgnant du côté de Rubber, un hommage évident aux Super sentai ou encore une segmentation en histoires qui rappelle Les contes de la crypte.
Mais comme dit plus haut, les moments de franche rigolade sont scindés de réflexions plus profondes sur le monde contemporain. Des théories pseudo-féministes de Méthanol (Vincent Lacoste) aux délires écolos du pauvre brochet, le rire vire parfois au jaune dans Fumer fait tousser. La société bienséante est raillée, à l'image de ce Lellouche assurant que "fumer c'est mal" à son jeune fan alors même que le film place une cigarette coincée aux commissure de presque chaque personnage, jusqu'au confetti de bouche que Blanche Gardin fait crapoter.
D'ailleurs un des sketchs, centré sur un personnage interprété par Dora Tillier, met le paquet dans le malaise nostalgique. En effet, malgré un casque qui rappelle le tueur de La Cité de la peur, tout le déroulement de ce sketch amène à un cauchemar final empreint d'une nostalgie et d'un pessimisme rare chez Dupieux.
Bien évidemment, le discours ne devient jamais plombant et les sketchs s'enchainent sans que le spectateur puisse voir passer le temps. Et si la fin ouverte, d'ailleurs relativement fréquente chez Dupieux, peut désarçonner, elle ne nous laisse pas moins quitter la salle obscure avec les zygomatiques endoloris mais aussi, et c'est peut-être nouveau, la tête remplie de questions existentielles.