Le moins qu'on puisse dire, c'est que ce film m'a surpris. À chaque scène, la voiture qui était le fil conducteur dans ma tête prenait un virage. Ce qui était sa seule motivation d'ailleurs, prendre un virage rien que pour le plaisir de le faire. Je m'explique.
Ça fait quand même du temps qu'on sait que Dupieux est un grand amateur d'absurde. Mais l'absurde comme le concevable, c'est censé raconter quelque chose, et donc être structuré, avoir un début, une ligne directrice et une fin. Ce qu'il n'y a pas ici.
Ça commence bien pourtant, avec une parodie de super sentai sans budget (encore moins qu'un original, je veux dire), des gugusses dans une combi latex ridicule, un combat dans une carrière contre un monstre en caoutchouc (la blague est faite à un moment), le tout organisé par une espèce de rat baveux qui se trouve être le chef de cette bande de super-héros. Chef qui trouve que la cohésion de leur groupe est en chute libre, et qui les envoie donc en vacances pour y réfléchir.
Donc là vous avez le concept du film, le début du film, et même le film en entier. La suite, Dieu seul sait pourquoi, c'est cette bande de joyeux drilles qui se racontent des histoires (enfin, y'en a une qui est racontée par un barracuda, oui oui) qui n'ont absolument aucun rapport avec la leur. Ce qui transforme les 1h20 de film en presque deux fois plus. C'est comme si le réal avait mis en pause son écriture pour regarder des sketches youtube.
J'aime bien l'absurde, y'a pas de soucis, mais quand c'est de l'absurde qui ne va pas au-delà de son propre concept, je trouve ça ennuyeux. Le film s'appelle Fumer fait tousser, et ? Gilles Lellouche lance ça à un moment dans le film, et après on revient pas dessus. Le groupe se fait appeler la Tabac Force et tire des rayons de fumée de cigarettes, et ? Si, à un moment l'un d'eux (toujours Gilles Lellouche) explique qu'ils utilisent l'énergie négative du tabac pour attaquer, et ? Pourquoi vous vous servez de quelque chose que vous détestez pour arriver à vos fins ? Ce genre de truc, faut l'expliquer.
Et après, quel est l'intérêt des deux histoires imbriquées qu'on regarde ? Qu'est-ce qu'elles font dans le film, en quoi est-ce qu'elles font avancer la trame principale ?
Et qu'est-ce que je dois comprendre dans cette fin, aussi ? Un grand méchant intergalactique veut détruire la terre, mais avant il prend le souper avec sa femme et son gosse, qui ont par ailleurs empoisonné sa soupe (pourquoi ?), et du coup la terre est pas détruite, mais entre temps la Tabac Force a souhaité changer d'époque avec l'aide d'un robot qui met trois plombes à le faire (en répétant en boucle "changement d'époque en cours", deux ou trois fois c'est marrant, mais au bout de la quinzième c'est déjà plus drôle (et il le dit plus de quinze fois)).
Non, l'absurde pour l'absurde, désolé mais ça passe pas. En qu'on vienne pas me dire que c'est le concept de l'absurde qui veut ça, parce que si vous voulez je vous invente l'histoire d'un dromadaire à pois rose qui marche à l'envers dans la banlieue lyonnaise devenue une jungle tropicale à cause d'un rayon galactique lancé par un super ordinateur bleu pastel tout ça parce que son programmeur a lâché une caisse à ce moment-là. Et à la fin, on découvre que la lune est verte à l'intérieur parce qu'il y a trois mille ans une princesse a remonté le temps pour que son dragon de compagnie puisse apprendre le swahili en moins de deux jours, parce que sinon le soleil va expédier des gélules grises dans les quatre coins de l'espace et ça, le dromadaire à pois roses, il aime pas trop. Et j'appellerai cette histoire Boule de gomme, en référence aux pois du dromadaire.
Quoi, vous trouvez ça forcé et sans aucun sens ?
Re-regardez ce film, juste pour voir.