Cela faisait longtemps que je ne trouvais pas chez un Dupieux la subtilité d'écriture qui lui seyait ci bien à ses débuts. Ici, outre l'apparente absurdité des scénettes qui jalonnent le récit, le motif en arrière plan du tabagisme et de son effet sur la psyché de ses consommateurs traversent le métrage tel un ectoplasme discret - mais toxique - se faisant oublier de tous. Ce film est une belle métaphore de ce que peuvent être les personnes dépendantes à ce poison. Comme l'exprime l'un des membres de la Tabac Force, leur sentiment face aux menaces mineures somme toute insignifiantes qu'ils ont eu à affronter jusqu'à présent demeure nul : la dangerosité de leurs ennemis qu'ils n'ont de cesse de combattre et de vaincre leur renvoie une image de guerriers invincibles, éternellement vainqueurs et épargnés de toutes formes de dégâts, physiques comme psychiques. Or, lorsque vient le moment pour l'escouade de se retirer pour prendre un peu de repos bien mérité, l'état de conscience - ou plutôt de déni - face à la maladie prend tout son sens. Si les histoires que se racontent les personnages semblent toutes plus surréalistes les unes que les autres et se dégager de la trame principale pour développer une imagerie absurde et décalée, elles servent en réalité à témoigner de l'état d'insouciance et d'inconscience de ceux là mêmes qui souffrent de tabagisme. Si les histoires racontées présentes toutes des scènes brutales, elles sont avant tout ici pour souligner le fait que de telles aventures n'arrivent jamais qu'aux autres, que ce ne sont que des évènements qui, si ils ont véritablement eu lieu, n'auraient que peu de risques de nous concerner. Assassiné par un tueur en série ? Impossible. Témoin d'un désastre écologique ? L'on s'aveugle. Victime d'un accident du travail ? Peu probable. Et si les récits en question semblent ne servir qu'à faire peur aux personnages dans l'unique but de distraire, elles ont surtout pour conséquence de renforcer l'incrédulité des concernés en générant de la distance entre les victimes de ces récits et leur propre individualité. Ainsi lorsque survient la véritable menace annoncée en début de film, menace dont l'objet n'est rien de moins que celui de détruire notre planète, tel un funeste cancer, les protagonistes se désespèrent. Ils ne peuvent rien car pris de court, dépassés par les évènements tandis qu'ils passaient jusqu'alors leur temps à se distraire, désintéressés du danger véritable qui les guettait et dont ils avaient pourtant étaient informés. Tel un fumeur qui soudain découvrirait son incurable maladie, la peur, la colère, l'abattement envahissent ainsi l'esprit des protagonistes. Et le désir soudain de revenir en arrière, de changer d'époque, tourne comme un appel obsessionnel et lancinant, répété en boucle dans la pensée de ceux qui désormais regrettent - mais bien trop tard - de ne pas avoir pris plus au sérieux tous ces drames dont ils avaient pourtant été mis au courant et dont les échos n'avaient seulement su générer en eux que du dédain et de l'indifférence.