Une suite sans la pulpe du premier, périmée dès la première lampée. Amère en bouche, là où l'acidité de son aîné nous faisait grimacer de plaisir, nous restons ici gêné par l'âpreté du propos. Un concentré de romance qui dessert l'enjeu pourtant premier du film : la folie. Ici ne se trouve que la lie de cette démence résiduelle, désincorporée de son matériau de départ, que nous buvons avec beaucoup de gêne et de difficulté dans l'espoir insensé de retrouver la saveur irrévérencieuse, explosive et brutale du premier opus. Notre palais peine à garder en bouche la profondeur des relations que l'indigeste abus des scènes musicales vient inévitablement déséquilibrer et troubler. Mis à rude épreuve, notre appareil gustatif se voit peu à peu atteint d'une sévère agueusie qui nous alertera de fait sur l'évidente fadeur d'un film qui n'aura su, ou pis encore qui ne l'aura peut être pas même désiré, se hisser à la hauteur et à l'extrême qualité de son prédécesseur. Joker premier du nom aurait pu devenir un grand millésime, peut être meilleur encore si son successeur, nouveau cru hautement attendu, avait honoré sa mémoire et conservé la manufacture de son génie ; mais à présent dilué à cette nouvelle liqueur, que le temps laissera macérer longuement dans la rancoeur, le dégoût et l'amertume, voici qu'il tournera fatalement, et dégagera de son bouquet l'aigreur de la défaite, quand sa notoriété grandissante et son initiale originalité laissaient présager les délices et le sucre mémorable du succès.