La voilà qui arrive et qui commence à faire des ravages : la solitude. Entraînant avec elle la dépression et l’ennui.


Je la combats, j’essaie, comme je le fais depuis des années dès qu’elle surgit, mais mes stratégies habituelles ne suffisent pas, en période de confinement. Voir des gen.te.s, rire avec elleux, serrer mes proches dans mes bras… Tout cela nous manque bien sûr, et je ne peux m’empêcher de penser aux conséquences que cette pandémie aura sur les relations entre les êtres humains.


Face à l’isolement, en revanche, certaines stratégies restent efficaces en période de confinement : se faire couler un bain, colorier, écouter des films. Voici donc la critique du quatrième film de confinement, même si, vous vous en doutez, j’ai vu bien plus de 4 films en 4 jours…


Si je suivais ma logique initiale, j’écrirais une critique sur le film visionné hier soir, « la plateforme », un espèce de thriller espagnol traumatisant et WTF. Je n’ai pas vraiment envie d’écrire sur ce film, ni même d’y repenser, bien que ce soit un bon film.


En revanche, je ne peux pas passer à côté de l’envie grandissante de vous emmener avec moi dans l’émerveillement que je ressens face au film que je viens de voir. Ce film, c’est un film d’animation de Denis Bo, « Funan », qui traite la période de la révolution, ou plutôt la terreur, des khmers rouges au Cambodge en 1975. C’est l’histoire de Chou, une mère séparée de son enfant de 3 ans pendant l’exode forcé de la ville de Phnom Penh.


Il y a à peine quelques mois, je connaissais très peu de cette période, mais il se trouve qu’après avoir vu le film « D’abord ils ont tué mon père », réalisé par Angelina Jolie, j’ai lu et lu sur cette dictature, et appris beaucoup de choses.
Ce n’est donc pas en grande ignorante que j’ai commencé « Funan », alors que je ne savais même pas que ce film traitait cette époque. Tout ce que je savais, c’est que le film a été récompensé au festival d’Annecy, et que l’animation me semblait belle.


Et en effet, l’animation est non seulement belle, voire extrêmement belle, mais aussi émouvante. J’ai été stupéfaite, pour ne pas dire impressionnée et émerveillée, par la beauté et la précision des paysages. Les dessins des lisières, des palmiers et des plantes sont inouïs, et les levers et couchers de soleil sont à tomber par terre. Littéralement. Ces beaux paysages sont subjugués par une photographie impeccable et originale. C’est splendide ! J’aurais envie de re-visionner le film pour mettre pause sur les levers de soleil et utiliser le mode screenshot de mon ordinateur.


Inutile de vous dire qu’il s’agit d’un film où on pleure : la finesse des personnages dans le contexte historique ne peut pas ne pas vous émouvoir. Visionnez-le préparé.es, ce film est très difficile. Voici (quelques) trigger warnings : violences, maltraitances, génocide, suicide, viols.
C’est une famille unie que l’on suit, du début jusqu’à la fin, et on découvre avec elle la difficulté de tracer une ligne entre le bien et le mal. En ce sens la réalisation de ce film est brillante, car elle rend hommage aux personnes victimes des khmers rouges sans transformer le film en socle de justice sociale. De plus, l’émotion n’est pas du tout provoquée par moments. Elle vient du scénario, des personnages et du contexte, mais jamais elle ne vient d’une scène larmoyante ou de musique de fond de scène.


Enfin, j’aimerais m’attarder sur la finesse des personnages : le film est centré sur Chou, mais nous entraîne vers les réalités et les pensées de chacun.e des membres de cette famille. A la fin du film, je n’ai pas pensé avoir vu l’histoire de Chou, mais l’histoire d’une famille. Cela défait le regard subjectif qu’on aurait tendance à porter sur les événements. Cette subjectivité est nécessaire, entendons-nous, et il est important de remémorer le génocide et la terreur provoqués par ce régime. Toutefois, comment transmettre les histoires de guerre aux nouvelles générations, autrement qu’avec des documentaires traumatisants ? Pour moi, le cinéma existe aussi pour cela, pour nous ouvrir des portes vers une connaissance au travers de nos émotions. C’est donc un grand défi que relève ce film, dans la finesse et l’incroyable beauté d’une animation à couper le souffle.

SoyAne
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le 23 mars 2020

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