Juste après avoir mis en images le premier roman de Stephen King avec le magnifique "Carrie", Brian De Palma retrouve le thème de la télékinésie par le biais de cette commande importante que le cinéaste accepte de diriger au lendemain d'un projet similaire avorté.
Dans sa première partie, "Furie" ressemble à un étrange film d'espionnage plutôt confus, mixant séquences d'action digne d'un blockbuster de l'époque et fantastique à la King, le tout saupoudré d'un humour décalé des plus déstabilisant. On sent que De Palma n'est pas franchement exalté de filmer les pérégrinations d'un Kirk Douglas en roue libre cassant son image de héros américain mais emballe correctement le boulot.
L'intérêt de "Furie" se révèle plus tard, lorsque De Palma délaisse l'action pour se concentrer sur le lien télépathique reliant deux âmes jumelles au parcours opposé (l'une voit son don comme une malédiction quand l'autre prend son pied à faire souffrir), et sur la cavale d'un père prêt à tout pour retrouver son fils. Dès cet instant, De Palma semble sortir de sa torpeur et enfante une poignée de scènes aussi mémorables que bouleversante, à l'image de cette fuite au ralenti filmée avec un lyrisme incroyable ou encore ce final tragique d'une catharsis pour le moins explosive.
Généralement mis de côté dans la carrière foisonnante de Brian De Palma, "Furie" est un grand film malade et schizophrène, partant un peu dans tous les sens mais qui vaut bien plus que sa réputation, superbement mis en scène et plus personnel que l'on pourrait le penser (le personnage du jeune télépathe peut-être vu comme une vision détournée du propre frère du cinéaste, véritable surdoué qui ne s'adaptera jamais à la vie civile) et offre quelques beaux moments, annonçant l'air de rien "Scanners" de Cronenberg et le "Akira" d'Otomo.