C'est l'histoire d'un havre de paix. Celui-ci est menacé par un groupe de motards, qui risque de révéler leur position. Ils arrivent à kidnapper une fillette un peu curieuse. Sa mère se lance à leur poursuite, et les tue un par un. Elle finit par être capturée, torturée et tuée, mais ni elle ni la fillette ne révèlent la position de l'havre d'abondance. La fillette devient alors précieuse aux yeux de Dementus son geôlier, la traînant avec lui dans tous ses déplacements.
Ceci est en fait tout le premier chapitre du film.
Il y a tout un tas de sentiments contradictoires qui émergent alors de la scéance. George, du haut de son âge canonique, sait qu'il tient quelque chose avec ses barbares motorisés. Il sait ce qu'il a initié un mythe, celui du baroudeur classieux, pris au piège dans un décor sans fin de sable fin, entouré des pires barbares que la Terre n'avait jamais connu auparavant.
On pourrait apprécier le personnage mutique poursuivant sa vengeance en s'extirpant tant bien que mal de tous les clans présents et qui tentent de tirer la couverture à eux. Mais, cet aspect, George ne le maîtrise pas. Les enjeux diplomatiques autour des ressources sont expédiés à l'arrachée (L'un propose un conseil de guerre, mais tend un piège qui se voit à cinquante kilomètres). Pour au final régler tout ça à l'ancienne. Face à face des armées et puis c'est tout. Bataille que l'on ne vivra même pas.
On comprend également la volonté de Georges à faire peser sur chaque acte une sensation de vacuité. Sauver quelqu'un pour finalement le perdre au milieu du désert, cela fait parti du jeu de la vie. Mais - oui, il y aura toujours un "mais" - appuyer dessus pour appuyer dessus par le très cabotin Dementus, est-ce vraiment nécessaire ? J'y reviendrais, aussi.
On apprécie, enfin moi du moins, le caractère très "jeu de rôle" de certains personnages et situations. Si vous avez eu l'occasion, régulièrement ou non, de lancer des dés pour faire des personnages imaginaires dans des mondes qui ne le sont pas moins, vous apprécierez sûrement les personnages type Dementus et Immorta Joe, de vraies identités, au milieu de sbires uniformisés, le tout propre à l'exagération initiée, il me semble, par le troisième épisode de la saga (Par delà le dôme du tonnerre). On ne peut pas dire que les personnages soient développés: Ils ont un style, ils ont des "super sbires" - des sbires avec un style particulier qui les distinguent vraiment de la masse mais qui ne font que suivre finalement les ordres du grand méchant. Mais ils ne sont pas développés au sens où ils sont porteurs d'enjeux. Que l'un ou l'autre meurt ou disparaisse, remplacé par l'un ou l'autre, la belle affaire. Ce seront toujours des barbares en cosplay qui domineront les ressources et donc le monde, et feront donc souffrir la population.
Tiens d'ailleurs, ça me fait penser que Dementus oublie complètement la vallée de l'abondance (ou peu importe comment ils la nomment), même si arrive une référence chez Immorta Joe qui cherche à procréer pour avoir un enfant "plein-vie", c'est à dire dégagé de toutes les mutations et maladies chroniques liées à l'environnement. Voilà un enjeu. Dommage qu'il ne s'exprime que par une seule scène et que c'est complètement oublié par la suite, George préférant la mise en scène de carambolages spectaculaires, quoique redondants.
Et le malheur de la fin finit bien par arriver. Alors, Furiosa, sauras-tu être un mythe ? Il s'agit bien de s'interroger sur le mythe et son implication dans le cadre d'aujourd'hui. Qu'est-ce un mythe ?
D'une certaine manière, tous les films, même les pires que vous n'avez jamais vues, même les pires Ed Wood, même les pires daubes indonésiennes, nanars, films ratés, sont des mythes, au sens où ils inventent et construisent des personnages, portent un regard sur des situations, expriment le for intérieur de l'humanité, à minima de ceux qui les ont conçus.
Croire que les mythes se résument à l'Odyssée d'Homère est une erreur: Si il y en a qui ont résisté au temps, de tout temps l'humanité se raconte des histoires.
Et c'est bien là où toute la lourdeur pachydermique (désolé d'en faire des tonnes) du film se manifeste. Je me rappelle d'Un Prophète, ce film surfait de Jacques Audiard, qui n'était capable de porter la symbolique que par le discours performatif. C'est un prophète, parce qu'un personnage illuminé le déclame. Il en va de même ici. Il y a ce truc des blockbusters modernes qui tentent de se croire intelligent en faisant une pause dans l'action pour exprimer des idées.
Oui, des idées. De la banalité, quoi. On ne remerciera jamais assez Nulan pour son apport bien dispensable au cinéma moderne.
Aucun film qui est entré dans l'histoire n'a eu besoin d'hurler qu'il-est-beau-mon-mythe-hein?. Ca fait un peu forceur, diraient les jeunes d'aujourd'hui. Ca s'est fait tout seul, rajouteraient par ailleurs les cinéphiles.
Nous voyons bien, George, que tu tentes de t'accrocher à l'héritage que tu espères léguer quand tu ne seras plus là. Et je te souhaite de vivre encore longtemps. Mais vraiment, c'est pénible de voir des scènes d'action standardisées, portées par un scénario se plaisant à partir dans tous les sens, ayant complètement perdu son propos de départ. Tout ce qui est raconté pendant la première partie aurait pu être supprimée sans que cela change quoique ce soit au reste de l'histoire. Reste quelques friandises et quelques idées et ambiances sympas, au milieu de ce portenawack et de ce côté jeu de rôle assumé.
On prend ce qu'il y a, quand c'est le coeur qui parle.