Si on connaît les difficultés rencontrées lors de la création de Fury Road (FR), Furiosa permet rétrospectivement d’acter que ce n’est que dans la contrainte que l’art aboutit au meilleur résultat (ce dont je n’ai jamais douté).
Lors de la réalisation de FR, Miller avait été contraint d’écourter la conclusion de son film de manière drastique et s’était retrouvé sans introduction, la production ayant décidé au dernier moment de mettre fin au tournage alors que la (longue) introduction qui était prévue n’avait même pas été tournée.
Miller avait donc dû faire avec ce qu’il avait avec le résultat ce que l’on connait, un film au rythme démentiel, dépourvu du moindre gras.
Chez Furiosa, au contraire on sent que Miller a eu les coudées franches, et ce n’est pas pour le mieux.
Pompeusement annoncé à l’aide d’intertitres, le film sera scrupuleusement découpé en cinq parties. Une volonté affichée de construire formellement son film on pourrait dire à l’inverse de Fury Road dans lequel la construction se fait de manière organique. Malheureusement, plutôt que de créer une merveille architecturale, ce découpage tiendra lieu d’un encombrant carcan qui va peser sur tout le film et empêcher le réalisateur d’avoir tout recul sur la pertinence d’un tel plan en cinq parties.
Cela est patent dès la première partie, l’introduction. Longue, rendue inutile par ce que totalement prévisible (on sait tous que Furiosa a été enlevée et ne reverra jamais sa famille) et pire n’apporte presque rien esthétiquement (globalement peu d’images marquent dans ce film). Quand on compare cela avec l’introduction de FR (l’enlèvement de Max), le parallèle est sans pitié. Rapide, efficace, allant à l’essentiel à coup de plans qui saisissent tels des punchlines, ce qu’avait FR et que n’aura pas Furiosa est annoncé dès le début.
Et voici déjà 20mn de film qui auraient dû nous être épargnées.
À l’autre opposé du film, la conclusion souffre de la même tare. Là où FR avait dû couper court pour cause de production sans merci (ce qui a profité au film), Furiosa s’étend et s’étend et s’étend. Si le manque de « vrai » climax (nous y reviendrons) était déjà un problème, allonger la confrontation finale Furiosa/Dementus dans une série de dialogues abscons (je devrais dire puérils, indigne d’un réalisateur mature comme Miller) fut le dernier clou du cercueil de formalisme dans lequel Miller s’est lui-même enfermé. (Enfin, en réalité avant-dernier clou du cercueil, l’ultime clou étant le générique qui en nous balançant un best-of de Fury Road entre deux morceaux de générique, nous rappelle la supériorité du précédent en tous points et ne donne qu’une envie : le revoir afin de se laver de Furiosa)
Entre une introduction trop longue et dépourvue d’intérêt et une conclusion trop longue et dépourvue d’intérêt, qu’avons-nous donc ? Pas grand-chose quand on y regarde bien.
Toute l’intrigue est relativement convenue, les scènes d’actions à de rares exceptions près ne sont que des resucées en moins bien de ce qu’on avait déjà vu dans FR. Peu (aucune ?) trouvaille de réalisation ou plan marquant qui ne viendrait déjà pas du précédent. Un aveu d’échec en somme.
Un point à noter est l’impossibilité pour Miller de se débarrasser de l’ombre de Max. Si FR était un Mad Max quasi sans Max, Furiosa se veut un non-Mad Max dans lequel Max est encore plus présent que dans FR (symboliquement via Jack et pire, au sens littéral !). Le remplaçant de Max s’il n’est pas mauvais n’apporte pas grand-chose que le vrai Max n’aurait pu apporter, sa fin est tellement prévisible que cela retire tout suspens au film. Le pire outrage qui sera fait à Furiosa de ce côté-là sera le caméo (terme poli pour ne pas dire Fan Service débile) de Max en personne ! Insertion au chausse-pied complètement absurde sur laquelle je ne m’étendrais pas tellement j’ai encore du mal à y croire. Mais in fine, tout cela nuit au film dans son ensemble et ne fait que démontrer que tout du long Miller ne sait pas où il veut aller.
Film de vengeance ? De guerre ? De vengeance encore, mais pour un autre motif ? Le film multiplie les embranchements thématiques sans parvenir à en résoudre aucun de manière satisfaisante. La guerre du Wasteland que l’on attend tout le film relégué à une ellipse doublée d’une voix off étant l’affront terminal duquel le film ne se relèvera jamais (si tant est que l’on considère qu’il se soit levé à un moment).
Cela me permet de parler d’un sujet qui à mon sens est la pire affliction de tout le film : le show don’t tell. Ce qui est la base de la base quand on est dans un art qui se repose autant sur le visuel que le cinéma. Pourtant Miller ici se vautre dans l’écueil de dire plutôt que de montrer. L’opposé narrativement de Fury Road et ce qui fait tout son succès. Or dans Furiosa, combien de fois des choses sont dites alors qu’on aurait dû nous les montrer ! Deux exemples parmi les pires : la guerre du Wasteland et Furiosa vendue comme « le cinquième cavalier de l’apocalypse » alors qu’on ne montre vraiment rien qu’elle aurait accompli de si terrible qui lui vaudrait une telle réputation. À ce train, le premier warboy venu pourrait se prévaloir d’être le sixième… On peut d’ailleurs se demander d’où lui vient son aura tant elle n’a au final que peu accompli dans ce film (les plus grosses scènes de bravoure sont l’œuvre de Max/Jack, la vengeance finale est bien timorée et sans enjeux)
Bref je ne vais pas m’étendre plus tellement il y aurait à dire entre la construction bancale, Hemsworth le Jack Sparrow wish du wasteland, les éléments mal utilisé ou juste oublié (la terre d’abondance ?). Personne n’a pris le recul suffisant sur Furiosa pour corriger les problèmes flagrants qui font que ce film se vautre dans tous les écueils d’une préquelle en se prenant tous les obstacles dans la tronche sans en éviter aucun.
RIP Mad Max.