"L'évènement a bel et bien eu lieu".

Ces mots qu'un ami avait utilisé pour résumer Fury Road en mai 2015 sont toujours restés avec moi tant ils résumaient parfaitement le miracle absolu qu'était le 4ème Mad Max.

Un film d'une splendeur flamboyante, où chaque plan, chaque décor, chaque accessoire, chaque élément racontait quelque chose au beau milieu d'un des spectacles les plus délirants jamais mis sur pellicule, dans l’œuvre somme de son auteur génial.

Et la grande surprise au milieu de tout ça, c'était l'icône instantanée qu'était le personnage de Furiosa, bénéficiant par ailleurs d'une des expositions les plus limpides et puissantes qu'on ait vu dans ces années là.

Il suffisait d'un plan sur sa nuque, sur laquelle on voyait la marque au fer rouge contre laquelle Max venait de lutter durant l'introduction tonitruante du film, puis d'un regard vers la caméra, pour comprendre que cette femme avait traversé l'enfer, et qu'elle comptait bien y mettre fin avec toute la rage du monde. De la même manière, tout le film laissait entrevoir un monde vaste, dont les ramifications étaient implicites et pourtant si clair avec ces âmes esseulées au milieu du chaos.

Dès lors, avait-on besoin d'un film pour expliciter le parcours antérieur de Furiosa ?

Qui plus est, quand il se base sur le background écrit par Miller, Brendan McCarthy & Nick Lathouris pour la bible de Fury Road, à savoir le matériel donné aux acteurs pour qu'ils comprennent mieux leur personnage ?

Devant les 2h30 de "Furiosa - A Mad Max Saga", la réponse tourne rapidement à la négative, et pour bien des raisons.

La première, ou du moins celle qui saute immédiatement aux yeux, c'est évidemment la facture technique, et cette horrible photographie qui plombe violemment tout le film.

Le changement de chef-opérateur se fait tristement sentir à chaque instant, Simon Duggan revisitant cet univers avec une patine numérique absolument dégueulasse, qui contamine chaque image et surtout chaque arrière plan, où les incrustations mal dégrossies se bousculent.

C'est simple : TOUT fait faux à l'écran, les acteurs semblant baigner dans un désert numérique du début à la fin, bien loin de l'aspect ultra poussiéreux, sec et rugueux de Fury Road, qui n'était pourtant pas le dernier à faire appel aux effets numériques, en témoigne le VFX Breakdown tout juste dévoilé par Framestore.

Il faut dire que le nombre de décors grandiloquents est plus poussé que sur le précédent, mais le résultat est parfois d'une laideur à faire peur, tel un mauvais Snyder. (pléonasme, je sais.)

Évidemment, ce problème devient encore plus préoccupant durant les scènes d'action, en témoigne la fameuse poursuite de 15 minutes tant vendue en promotion, avec un War Rig une fois encore assaillie de toute part. Alors il y a bien quelques idées rigolotes dans le déroulement, comme les attaques par le ciel ou les nouvelles fonctionnalités de ce camion chromé, mais on a beau nous vendre des mois de tournage avec une armée de figurants, on a souvent l'impression de regarder un jeu vidéo ou un film d'animation, avec ces corps qui perdent tout poids à l'écran, à des années lumières de la brutalité de Fury Road où l'on sentait bien que ces malades avaient tout fait pour de vrai, quitte à ravager un désert de Namibie.

Ici les pixels tâchent l'écran non-stop, et font perdre tout engagement ou sentiment de réel, alors qu'en plus le film n'a rien de vraiment inédit à proposer, rien que le précédent n'ait déjà fait en mieux. D'autant plus qu'il offrait une tempête de sable stroboscopique inoubliable avec bien plus d'appoint et de crédibilité à l'écran que les poursuites présentées ici.

Et si Furiosa ne fait pas le poids dans le spectacle, l'intérêt ne revient pas pour autant dans le fond. Constamment rattaché à Fury Road dont il ne cherche jamais à s'émanciper, le film vient juste mettre en image ce qui était suggéré ou évoqué il y a 9 ans, sans apport majeur à son univers. Il tente de s'en distinguer sur la forme, avec cette chronique sur plusieurs années tout en chapitres, mais tout ça pour passer son temps à revisiter les mêmes lieux et décors que son modèle.

On vous avait parlé d'une Bullet Farm ou de Gaztown dans Fury Road, et bien voilà, on vous y emmène plein pot. Ça ne sert pas à grand chose (d'autant qu'on reste en surface de chaque lieu), mais au moins vous l'avez bien vu en digital.

Le soucis, c'est que déjà la découverte est passée depuis un moment, et à tout vouloir expliciter, le film restreint la richesse d'évocation du précédent, qui semblait plus vaste que ce qu'il y avait à l'écran. En montrant finalement tout, Furiosa donne l'impression que son univers est finalement petit, à la limite du ridicule.

C'est pareil pour le parcours de son héroïne (rappelant au passage ce commentaire YouTube funeste sous le trailer du film : "Aaaaw. With "Green Place", they meant the Green Screen Studio !"), et on termine le film en se demandant finalement ce qu'on a appris sur le personnage, à part un nouveau rôle masculin sous forme de Max du pauvre, qui plus est un peu incongru dans un film focalisé sur un perso féminin sensé être fort et indépendant, ce qui rendait sa confiance accordée difficilement à Max d'autant plus belle.

Alors il reste Dementus, a.k.a Chris Hemsworth en roue libre, dont le personnage de clown marche plutôt bien avec son char à motos (la meilleure idée de direction artistique du film, il faut dire aussi que c'est une des rares à être originale...) même s'il faut bien admettre qu'il ne s'avère pas si menaçant que ça, le film rappelant à l'aide les méchants du précédent pour que tout le monde s'embrouille, et pour prétexter une guerre qu'on ne voit pas vraiment, à part au détour d'un montage expédié bien utile pour élaguer les rangs et faciliter la fin du film.

On peut même se demander ce que Miller essaie de raconter, outre montrer les dérives d'un monde où tout le monde est devenu con comme ses pieds, Immortan Joe n'ayant lui non plus rien de menaçant tant il se fait balader du début à la fin (en plus d'être campé par un acteur ayant le centième du charisme du regretté Hugh Keays-Byrne) et devant être complètement suicidaire pour filer de telles responsabilités à Furiosa à la fin (avant de remontrer des images de Fury Road avec un étalonnage tout pourri durant le générique, histoire de vraiment rappeler que ça se passe avant...).

Alors que Mad Max était une saga se réinventant de film en film, tenant à toujours aller de l'avant et refusant la nostalgie (on rappelle que Fury Road commençait par le défonçage pur et simple du véhicule emblématique du héros !), on a ici l'impression de se taper un fan film deluxe, ou des scènes coupées du précédent pour une bonne raison, dans un long machin chapitré qui convoque en permanence son modèle sans avoir une seconde sa fougue, son intelligence et sa radicalité, et en lui apportant concrètement rien d'utile, qui puisse mettre un élément en perspective ou quoi.

Junkie XL lui-même semble perdu au milieu de ce bazar, remixant en demi-tempo quelques éléments du score du précédent, semblant sound-designer mollement le film plutôt qu'autre chose.

À l'image d'une Anya Taylor-Joy qui semble être en cosplay sur la fin quand son costume doit faire raccord avec celui de Charlize Theron (dont elle n'a pas du tout la carrure et semble être la version de 15 ans), Furiosa - A Mad Max Saga est un bonus foutraque, inutile et vilain, qui vient plomber une saga culte, dont même le mésestimé 3ème opus Beyond Thunderdome lui est biiieeeeennnn supérieur.

Tout ça pour dire, et ça me tue de le dire face à ce réalisateur que j'aime tant, que cette fois "l'évènement n'a pas eu lieu".

Xidius
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le 22 mai 2024

Modifiée

le 22 mai 2024

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Xidius

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