Si l'on m'avait dit, avant de connaître SC, qu'un jour j'irais me manger dix heures de train en un week-end, juste pour aller à Strasbourg rencontrer des inconnus et voir avec eux un film Japonais de 82 au cinéma, je ne l'aurais pas cru.
Et pourtant.
Laurens Van Der Post, dans deux romans autobiographiques, racontait son expérience durant la seconde guerre mondiale.
En adaptant son travail dans cette production anglo-nipponne, Ôshima propose un film unique en son genre.
Une fois passé l'attraction de son casting étonnant où musiciens et acteurs majeurs de deux pays se rencontrent comme rarement au cinéma, Furyo se révèle plein de paradoxes.
Le paradoxe d'être assis entre Jackal passionné par ce qu'il voyait et Gloomy qui -quand elle ne dormait pas- riait du film et suppliait pour que chaque scène en soit la dernière.
Mais soyons sérieux.
Le paradoxe de deux cultures, à la fois rapprochées par l'aspect militaire et très éloignées dans leurs principes et leur conception de l'honneur.
L’œuvre porte un regard neutre sur les deux points de vue. La relation tendue entre les prisonniers anglais et les japonais renforcent pourtant leur lien, et au fil du temps, les amitiés s'inversent.
Mais le paradoxe le plus troublant, c'est bien celui du tortionnaire du camp, sévère et rigide, limite nareux quoi, qui lutte intérieurement contre son attirance inavouable.
Venons-y. Sorti de la Salle, PFloyd a résumé le film en deux mots : « crypto-gay ». En effet, une tension sexuelle des plus puissantes habite ce film dès sa scène d'ouverture, où l'amour (ou le sexe, appelez-ça comme vous voulez) n'a pas sa place mais se fraye un chemin dans le cœur des hommes, même les plus bornés, venant déranger leur hiérarchie guerrière. L'ordre froid est sans arrêt rompu par le chaleureux personnage de Jack Celliers, un David Bowie qui s'impose plus que jamais en icône homosexuelle. Un charisme fou.
Jamais auparavant je n'avais vu la sexualité traitée aussi subtilement. Sous-jacente mais omniprésente, si bien qu'elle en devient le vrai sujet du film, plutôt que le plus apparent. Paradoxes, vous dis-je !
La scène de la bise en sera la représentation la plus concrète. Bondmax vous le confirmera, il a été particulièrement touché par cette scène, aussi profonde que son sommeil.
Parce que oui, il y a de quoi s'endormir. Si je n'avais pas été aussi inconfortable sur mon siège, ça me serait peut-être arrivé. Pourtant, il n'y a pas de quoi dormir, à priori (Hein Bond, hein Gloomy ? Hein ? Hein?)... Que c'est bon de dénoncer. C'est mon côté hermaphrodite. Mais je m'égare. Tout ça pour dire que si Furyo traite brillamment de la sexualité, renforçant ce propos par l'aspect non-dit, mais aussi l'esprit de l'humain et des règles qu'il s’impose, allant à l'encontre de son animalité, il n'en demeure pas moins maladroit dans son rythme. Les deux heures s'étalent. Vraiment. Bien sûr, le rythme, c'est subjectif. Non, Gloomy, il ne dure pas trois heures. Mais les deux heures, on les sent bien passer quand-même. Les pointes d'humour, le renouvellement photographique et l'imprévisible scénario n'y changent rien. D'aucuns diront que ce n'est pas lent, mais contemplatif. Peut-être bien.
Ôshima m'a tout de même convaincu en sa qualité de réalisateur, et l'envie de voir L'empire des Sens accroît.
Sur dix personnes, il n'y a que Jackal qui a vraiment aimé. Les autres étaient, pour la plupart, exaspérés.
Je demeure mitigé : tout comme le film, je vis un paradoxe (wouhou, j'adore ce mot). D'un côté, je perçois une œuvre détonante étonnante et déroutante, dotée d'un symbolisme fort ainsi que d'une poésie picturale et verbale indéniable, du cinéma humain, universel, à la fois dur et beau. Tout ce que j'aime, quoi. De l'autre, malgré mon envie de l'aimer, je n'étais pas dedans une seconde, les émotions m’effleurant à peine, et je souffrais d'attendre le générique. Une mise en scène qui, loin d'être déplorable, risque fort d'en ennuyer plus d'un.
Il est fort probable que si vous n'étiez pas à Strasbourg avec moi et que vous venez de lire ce texte, certaines phrases vous aient décontenancées. Pardon, mais j'avais trop envie d'y placer quelques private jokes. Et puis, je suis super content : avant, quand je lisais les critiques des gens qui racontent leurs IRL au lieu de parler du film (Kenshin, si tu me lis) j'étais jaloux ; maintenant, je peux faire pareil !
Merry Christmas, Mr Lyusan. Merry Christmas !
Dédicace à tous les membres présents :
Bondmax (l'instigateur et guide)
PFloyd
PsycØx
Lyusan
Embrouille
Erylin
Jackal
Angel25
Gloomy
Gaki
Et aussi Kogepan et Kalimera, qui n'ont pas vu le film avec nous, mais bon. On leur pardonne.
La bise.
Pour plus de détails sur cette extraordinaire aventure alsacienne :
http://www.senscritique.com/liste/Au_dela_du_virtuel_l_aventure_continue_Journal_de_mes_rencon/707902