... les codes narratifs classiques. Gabriel est un film qui raconte par symboles, et non par événements et il se place de ce point de vue hors des récits habituels et consensuels de l'anecdote et des schémas actantiels situation initiale-élément perturbateur-résolution-situation finale. Du contexte mythique et presque ésotérique de base et des procédés diégétiques complètement ahurissants qui structurent le film, on peut tirer deux positions : 1/ le trouver absurde 2/ adapter son regard.
Gabriel est un film qui a changé mon expérience au cinéma, et la plupart de mes amis trouvent effrayants que je puisse y trouver le moindre intérêt. Je l'ai sans doute vu plus de quinze fois, à raison de trois ou quatre fois par an. C'est un film que je médite et qui, en même temps, est parfaitement inamovible, inaltérable, semblable à l'image figée de lui-même ; parce que c'est une histoire qui parle de signes et non de signifiants. Il faut réfléchir non pas à l'histoire, somme toute fort banale et semblable à beaucoup de dystopies qui sont aujourd'hui très à la mode, des fan-fictions de Twilight en passant par Matrix, City of Bones, Le livre d'Eli, Mad Max ou Terminator (trouvez l'intrus, ah ah), mais à ses archétypes, et à l'univers qu'ils impulsent par leurs interactions. Il faut adhérer à la dimension mystique, si l'on veut y prendre un moindre plaisir.
C'est moins une expérience cinématographique qu'une épreuve discursive et narrative essentielle. Et puis d'un point de vue extrêmement subjectif, j'ai toujours été fasciné à l'excès par le démonisme - du point de vue du mythe, non de la croyance. Je me contrefiche d'invoquer le diable, j'aime ce qu'il signifie dans les cultures. Bref, un très bon film dont je ne m'étonne pas de constater la très mauvaise note, on veut le voir comme une histoire lorsqu'il est dépourvu de toutes les caractéristiques de l'histoire et ne garde, à vif, que le squelette d'un symbolisme dissimulé vaguement sous le prétexte de la narration héroïque.