Biopic or not biopic.
Voila en gros le débat qui a agité le net au moment de la sortie du premier film de Joann Sfar.
Personnellement même si en effet Gainsbourg vie héroïque est bien le récit chronologique et plus ou moins hagiographique d'un artiste, il s'apparente davantage à une comédie musicale qu'à un biopic au sens stylistique (américain) du terme.
Le récit avance en effet chaque fois par l’enchaînement d'actions en seul liens avec la musique qui les illustre ou parfois même qui participe au récit. De ce point de vue, le film impose un rythme constant et fluide qui est le premier signe d'une vraie réussite.
Il faut à ce propos saluer le formidable travail sur la bande originale du film qui est un véritable chef d'œuvre et une relecture de la musique de Gainsbourg aussi respectueuse qu'elle est originale et culottée.
La meilleure preuve de sa réussite est qu'elle fonctionne majoritairement en totale autonomie, y compris hors de la seule vision du film lors de l'écoute de la BO.
A ce propos, je conseille à tous les fans du film l'achat de l'extraordinaire version collector 2CD (désormais un peu difficile à trouver à prix raisonnable) qui démontre l'ampleur et la qualité du travail réalisé.
Pour ce qui est du film lui même et, en dehors de ce déroulement très cohérent et fluide de type "comédie musicale", il prend le parti de raconter une vie d'artiste presque en creux, exclusivement au travers des amours et des femmes qui l'ont porté, aimé et inspiré tout au long de sa vie et dès l'enfance.
Ce parti pris est également une belle réussite car en éclairant le film de ce halo constant d'amour, de désir, et de chagrins d'amour, il se dégage du film une véritable et sincère affection pour cet homme incomparable mais surtout, une émotion croissante, tout au long du film.
A l'arrivée de Bardot et surtout de Birkin dans le récit, le film devient même très émouvant et il parvient souvent à vous serrer le cœur.
La dernière partie, plus "casse-gueule" et sans doute la moins réussie artistiquement, compense ses maladresses grâce à cette émotion vraie et croissante et la fin est réellement bouleversante.
La scène incontournable de La Marseillaise au paras est emblématique de cet échec artistique relatif autant que du degré d'émotion forte qui s'en dégage.
Concernant la partie la plus "Sfarienne" et - étrangement - la plus controversée du film avec ces décrochages animés et poétiques et ces apparitions monstrueuses de "l'autre" Gainsbourg ou de la caricature du "juif/nazi", si je peux comprendre qu'elle apparaissent pour certains comme des maladresses du film, elle représente pour moi aussi ce qui fait sa singularité et sa beauté:
Comme j'aime à le répéter: il en va souvent des films comme des gens, et on les aime souvent davantage pour leur défauts que pour leur qualités. Et en ce qui concerne Gainsbourg, Vie Héroïque, ces défauts sont vraiment mineurs et ses nombreuses qualités on su me toucher, me passionner et surtout m'émouvoir.
Et, moi, ces personnages/caricatures monstrueux me plaisent énormément, autant l'un que l'autre.
Concernant le casting très réussi et prestigieux, je dirais deux mots de la belle incarnation de Bardot par Casta, toujours merveilleuse et surtout de l'étrangeté de cette scène où Birkin chante Le Canari sur le balcon, alors que l'on connait désormais le triste destin de Lucy Gordon à l'issue du film.
Il convient évidemment de dire deux mots de l'incroyable performance d'Eric Elmosnino qui dépasse de loin la simple ressemblance mimétique ou l'imitation des tics (façon Testud dans Sagan) pour offrir une incarnation vraiment bluffante de Gainsbourg, le pari n'était pourtant pas facile à relever et cet immense acteur offre là ce qui restera sans doute un de mes plus beaux souvenir d'acteur de cette année 2010. Admirable.
Seul bémol de taille, la scène chantée de Sara Forestier est absolument atroce, le problème n'étant pas tant l'horreur vocale, si l'on se souvient de la voix de France Gall à l'époque, mais dans l'imitation à laquelle échappe globalement le film et qui non seulement ici est criante (c'est le mot !) mais surtout très ratée, évoquant davantage les émissions de Patrick Sébastien que du cinéma. Sara Forestier semblant danser avec un balai dans le cul.
Mais c'est à mon sens la seule scène raté de ce film qui est pour moi une des plus belles réussites de ce début d'année et une des plus belles surprises aussi.