Dans son quartier natal de Little Italy, Scorsese entendait raconter des histoires sur les guerres des gangs des années 1840, et eut l'idée d'en faire un film dès 1977, mais il dut attendre 23 ans pour réaliser ce projet qui nécessitait un financement suffisant. A travers une simple histoire de vengeance, au sein de décors impressionnants reproduisant le repaire des Irlandais, et reconstitués à Cinecitta où 22 000 figurants italiens furent engagés pour incarner la population de New York, Scorsese illustre avec un oeil d'expert une page sanglante des origines de l'Amérique urbaine, née dans les combats de rue, les bordels, les tripots et les quartiers miséreux.
Il en fait une fresque grandiose, violente et somptueuse, où Daniel Day-Lewis crée Bill le Boucher, un formidable personnage sinistre et cruel avec une vraie gueule de méchant, et où Di Caprio, dans un rôle complexe, est pour une fois très convainquant ; il a d'ailleurs dû s'entrainer au lancer de couteau et aux techniques de combat de l'époque. C'est le film qui lui ouvre la voie d'une reconquête, d'un nouveau départ après le petit moment de flottement qui a succédé à Titanic.
Les seconds rôles comme Brendan Gleeson, John C. Reilly, Jim Broadbent, Henry Thomas et même Liam Neeson (une participation trop courte) sont excellents. Le film gagnerait cependant à plus de rythme, car il n'évite pas les longueurs, c'est d'ailleurs ce qui m'a le plus embêté, je trouve que parfois ça s'englue dans des scènes sans trop d'utilité. Sinon l'idée de revenir aux sources d'une Amérique urbaine est bien traitée par Scorsese, et son visuel bien reconstitué et soigné vaut le détour.