Famille, pouvoir et vengeance
Ayant vu grâce à l'initiative d'un cinéma parisien le film dans son intégralité en une fois, je ferais ici la critique du film complet (c'est-à-dire des deux parties).
Sur la papier, Gangs of Wasseypur avait déjà tout pour plaire: un film de gangster indien qui mélange Hollywood à Bollywood sur fond de politique, il en faut bien moins pour attiser ma curiosité, surtout quand les médias en rajoutent une couche avec les "c'est Le Parrain indien", "un Tarantino à la sauce Bollywood" et j'en passe. C'est vrai que les références américaines sautent aux yeux, il y a clairement du Scorsese, du De Palma et du Tarantino dans ce film. Mais pas que.
Je connais trop peu le cinéma de Bollywood pour pouvoir m'avancer sur l'originalité de ce film mais j'ai cru comprendre qu'il se démarquait des productions habituelles par son traitement de la violence qui est très empruntée aux films américains des années 70 justement (malgré une modernité indéniable). Il m'a néanmoins semblé que les cultures se confrontaient réellement dans ce film, qui reste cependant purement indien.
J'ai été surpris d'apprendre qu'aucune star indienne ne jouait dans ce film, la raison donnée étant le trop grand nombre de personnages principaux (et le fait qu'il n'y ait aucune vraie figure principale dans le récit, même si 2 se démarquent du reste), du coup les stars refuseraient de partager la vedette. En effet, le récit est très dense, et s'étale sur trois générations: on commence avec le grand-père pour finir avec les petits-fils (seuls 2 personnages restent réellement présents tout au long du récit, le "protecteur" et le "méchant"). Cette densité fait qu'il est difficile de parler de manière juste de Gangs of Wasseypur, car plusieurs thèmes se démarquent, plusieurs histoires au sein d'une même histoire, qui sont tous d'égales importances.
Le thème principal, du moins le plus évident, est la lutte pour le pouvoir et la famille. En cela, le film est effectivement très proche du Parrain de Coppola, on retrouve des similitudes dans le propos, mais pas dans le récit. Son intégration au propos politique est menée de manière continue et magistrale, à aucun moment le film ne s'égare, tout suit un cours parfaitement logique et surtout entraînant. Pouvoir et famille donc pour le Parrain, et pouvoir et ambition pour Scarface, le personnage de Faizal Khan, deuxième fils de la troisième génération et personnage central de la deuxième partie, se rapproche effectivement sous bien des aspects à Tony Montana. Enfin, la parenté avec Tarantino est plus floue, et réside principalement dans l'ironie avec laquelle l'histoire est racontée, les personnages étant tous des anti-héros total.
Les personnages justement, sont extrêmement nombreux. On a peur au départ quand on voit toute cette galerie de visages inconnues qu'on met du temps à reconnaître premièrement, mais lorsqu'on s'aperçoit que chacun a un rôle bien précis et extrêmement fouillé, on prend plaisir à voir évoluer ce petit monde. En effet, aucun des personnages n'est là par hasard, et tous représentent quelque chose (y compris les femmes qui comme dans tout bon film de gangster ont un rôle primordial). Ils évoluent ainsi dans un microcosme propre aux films de gangster, où le reste du monde n'existe pas, seul compte leur pouvoir et leurs ambitions. Le conflit a des allures politique puisqu'ici celui qui a le pouvoir fait la loi, le peuple est extrêmement présent mais plus comme une même entité qui se tourne sans arrêt vers celui qui offre le plus ou qu'il craint le plus.
Gangs of Wasseypur, avant même d'être un film de gangster jouissifs aux héros haut en couleur, et un formidable mélange entre la violence hollywoodienne des 70's et le "kitch" bollywoodien, est un film d'une rare justesse alliant faits historiques et gangstérisme, qui s'avère être un grand moment de cinéma pour celui prêt à endurer les 5h20 de l'animal. Pour les autres, le film sortant en 2 parties en France, ils n'ont aucune excuse.