Tu t’es dit pourquoi pas, tu t’es dit soyons fous. T’as voulu tenter le diable, forcer le destin, tu voulais voir ça par toi-même, en cinéphile maso et aventureux que tu es. Voir si tout ce ramdam médiatico-fébrile autour de Gangsterdam valait vraiment la peine d’hurler aux loups, de sonner l’hallali. Et puis c’est la première fois que tu voyais un film avec Kev Adams, ça te rendait dingue (prochaine étape : un selfie au musée Grévin). C’était comme une sorte de rite de passage, d’initiation à la médiocrité. Pour rester poli, on va dire que ce n’est pas ta génération, que tu te fais vieux, que tu n’es clairement plus dans le coup. Qu’il faut sans doute avoir six ans d’âge mental ou aimer faire des choses avec son caca pour, objectivement, trouver que ce type est… "rigolo" et que c’est un… "acteur".


Le film n’est pas nul. En fait, c’est pire : il n’est pas drôle. Et pour une soi-disant comédie, c’est quand même assez problématique. Enfin si, question mise en scène et interprétation (Rutger Hauer, en mode déchéance totale), il est même plus que nul, c’est le degré zéro de l’ambition cinématographique avec plans plan-plan et figures de style tristement recyclées. Et pour le côté "drôle" donc, c’est niveau Waterloo, morne plaine (tu as dû vaguement sourire, allez, deux fois maxi : le coup du frottage de chat et celui du t-shirt de Durex). Gangsterdam se nourrit d’un humour qui se voudrait trash et irrévérencieux (via le personnage de Durex, caution "politiquement incorrecte" du film), mais qui nivelle par le bas (la scène avec le pet) et banalise tout (époque réseaux sociaux décomplexés et Hanouna oblige).


Un humour gras, vulgaire et lourd. "Le bon goût et le mauvais goût ne sont pas subjectifs, ce sont des choses que l’on peut analyser. Une blague qui ne fait que réciter un point de vue raciste, c’est juste vulgaire", a dit Anne-Marie Paillet, co-autrice d’un livre (Je suis un artiste dégagé) sur le style de Pierre Desproges. C’est donc ça : Gangsterdam est juste vulgaire. Le problème, puisque problème il y a au vu de la polémique suscitée, n’est pas ce qui se dit sur le viol, les homosexuels ou les femmes : Gaspard Proust, Pierre-Emmanuel Barré ou Stéphane Guillon ont dit mille fois pire dans leurs spectacles et leurs chroniques, à côté desquels Gangsterdam passe pour du Anne Roumanoff.


Et Quentin Tarantino qui, lui aussi, a filmé une fellation forcée dans Les huit salopards, a eu droit à beaucoup moins de critiques que ce pauvre Romain Lévy (qui, par ailleurs, a mal défendu son film avec son producteur, Alain Attal, ridicule en diva soi-disant "humiliée"). Le problème, c’est que le film n’a pas le recul nécessaire ni l’intelligence adéquate non seulement par rapport à son (trop ?) jeune public (principalement des ados entre 10 et 14 ans, fans de Kev Adams), mais surtout à sa propre bêtise qu’il ne fait que ramener à du potache qui tache (et rarement à une vraie ironie sachant manier distance et réflexion). Ce n’est pas de faire de l’humour (noir) sur le viol et sur les gays qui dérange, c’est de mal le faire. Desproges, forcément : "Entre une mauvaise cuisinière et une empoisonneuse, il n’y a qu’une différence d’intention".


C’est le faire maladroitement (réduire par exemple la sexualité gay à quelque chose de forcément humiliant, voire de plus terrible que la mort), c’est le faire sans dérision et c’est le faire sans esprit, bien que Lévy s’époumona à dire que les ados ne sont pas des cons : certes (enfin pas tous), mais alors pourquoi leur servir une bouse aussi débilitante ? Le film, qui pourtant est une comédie, ne parvient jamais à trouver la bonne tonalité qui ferait comprendre qu’on est davantage du côté d’OSS 117 ou des Farrelly (ou de Judd Apatow, cité par Lévy comme modèle universel) plutôt que de Jean-Marie Bigard ou des Grosses têtes. Alain, Romain, un petit conseil pour la prochaine fois : oui à la liberté d’expression, mais par pitié, avec classe.


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mymp
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le 30 août 2017

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