L'addition

Un film souvent considéré comme mineur dans l'œuvre de Claude Sautet, alors que personnellement c'est sans doute l'un de mes préférés.
Certes, "Garçon!" n'a rien d'un chef d'œuvre, mais il s'agit du portrait touchant et très réussi d'un homme en fin de parcours, magnifiquement incarné par l'immense Yves Montand.

Autant ce dernier apparaissait vieillissant mais encore dans la fleur de l'âge, aussi bien dans "César et Rosalie" (1972) que dans "Vincent, Paul, François et les autres..." (1974), autant on a affaire ici à un homme qui affronte la soixantaine (Montand a 62 ans en 1983), c'est à dire la dernière ligne droite de son existence...
Et c'est ce qui rend ce personnage d'Alex si émouvant : ancien danseur de claquettes et entrepreneur raté, séducteur impénitent, le bonhomme s'échine chaque jour dans une brasserie parisienne comme simple serveur, refusant de s'apitoyer sur son sort et se montrant volontiers hâbleur et bravache.

Autour de lui s'agite tout un petit monde hétéroclite, entre les copains du boulot (formidable numéro de Bernard Fresson et humble élégance du méconnu Nicolas Vogel), Gilbert le collègue et colocataire (joué par un Jacques Villeret presque débutant), Gloria l'ex-compagne bien mariée mais désabusée (Rosy Varte), ou encore le vieux compagnon de route de plus en plus mal en point (remarquable Hubert Deschamps).

Et puis la rencontre avec une jeune trentenaire fraîche et pétillante (Nicole Garcia), qui pourrait redonner l'illusion à Alex que tout est encore possible, avec ce projet de parc d'attractions pour enfants à assembler sur le vieux terrain de son paternel, au bord de la Méditerranée.

Le genre de récit choral que Claude Sautet maîtrise si bien, avec toujours les dialogues inspirés de Jean-Loup Dabadie, et la musique de Philippe Sarde qui va bien.
On apprécie quelques belles idées de mise en scène, comme ce ballet de serveurs en ouverture (dans une brasserie entièrement construite en studio!), ce couple de clients qui se délite progressivement, ou encore cette scène admirable où la brigade s'offre un gueuleton chez Lasserre...