Wai-Tung est un jeune immigré taïwanais qui vit à New-York avec son amant Simon. Tout va bien pour eux deux, mais les parents très conservateurs du premier lui envoient fréquemment des cassettes audio pour lui proposer des jeunes femmes avec qui il pourrait se marier : bien entendu, ils ne savent pas la véritable nature de Wai-Tung. Pour leur faire plaisir, et pour éviter au père une attaque qui pourrait lui être fatale, le jeune homme va proposer un mariage blanc avec l'une de ses amies, Wei-Wei. Et c'est alors que les parents débarquent...
Deuxième film d'Ang Lee, c'est une comédie de boulevard sur le thème de l'homosexualité, et sur la tolérance à l'autre. Le garçon vit pleinement sa relation avec Simon, mais doit cacher sa véritable nature quand ils débarquent à New-York, et c'est parfois digne d'un screwball où les quiproquos sont à la pelle. C'est aussi dû parce que les parents parlent uniquement mandarin, et ils croient que Simon, qui se fait passer pour un mai du faux couple, ne parle qu'anglais. Il y a tout un jeu sur le langage qui mènent à de savoureux moments de comédie, jusqu'au moment du mariage. Scène formidable où l'on découvre les traditions asiatiques (les photos dans des décors exotiques, la mariée qui change plusieurs fois de robes dans la même cérémonie...), et lentement, on sent le glissement vers quelque chose de plus mélodramatique dans une troisième partie que je trouve formidable, mais que je ne dévoilerais pas.
Seulement, dirais-je qu'Ang Lee sait parfaitement choper le spectateur par les émotions, sur la véritable nature des uns et des autres, et sur l'excellente interprétation des comédiens. Le jeune homme, Winston Chao, n'avait jamais tourné de film auparavant, car il était steward dans une compagnie aérienne ! Il est pourtant touchant, car on le sent clairement coupé entre le gros mensonge qu'il fait à ses parents, mais pour le bien du père cardiaque, et sa relation avec Simon, très bon Mitchell Lichtenstein (d'ailleurs le seul acteur occidental du film). D'ailleurs, ce dernier est clairement vu comme un spectateur, observant toute cette histoire de loin ; cruelle ironie quand on sait que la famille de son amant vit dans son appartement et qu'il est le seul blanc dans ce mariage organisé pourtant en territoire américain. Enfin, notons la présence de la jeune May Chin (qui arrêtera très tôt sa carrière pour s'orienter en politique), qui accepte ce mariage blanc pour obtenir non seulement une carte verte qui lui permettrait de rester en Amérique, mais peut-être plus encore...
Garçon d'honneur est un film vraiment touchant, ne serait-ce que dans la représentation de l'homosexualité filmée de manière tout à fait ordinaire, avec un petit clin d’œil à Keith Haring, mais aussi dans la représentation de la tolérance, le tout sous couche de comédie et de quiproquos. Avec cette dernière partie, après le mariage, d'une grande sensibilité où, je dirais de manière caricaturale, les rires font place à l'émotion.
D'ailleurs, vu le budget minuscule du film, et le thème choisi pour un film de 1993, ce sera non seulement un triomphe public, mais il aura également l'Ours d'Or à Berlin. Belle récompense pour un film très respectueux envers toutes les communautés, dans tous les sens du terme.