Gare centrale par Solsbury
« Gare Centrale » est généralement considéré comme un des films majeurs de Youssef Chahine mais il est aujourd’hui trop méconnu.
Toute l’action du film est concentrée dans cette gare du Caire. Chahine met en scène un monde où les classes sociales se croisent et échappent furtivement aux codes de leurs milieux (un jeune couple, par exemple s’y retrouvent brièvement), où les travailleurs (vendeurs à la sauvette pour beaucoup) s’organisent, affirment de nouveaux rapports de force, un lieu où les femmes et les hommes se guettent, se séduisent, se provoquent.
Tout se déroule sous l’œil de Qinawi (interprété par Chahine lui-même) que le propriétaire du kiosque à journaux a engagé. Infirme (boiteux) il déambule dans la gare guettant la belle Hanouma (Hind Rostom), femme frondeuse et exubérante qui ne semble pas ignorer qu’elle attire les regards de bien des hommes. Qinawi se réfugie souvent dans une cabane de bois dont il tapisse les murs de photographies des femmes des magazines, de ces femmes qui ressemblent tant à celle qui l’obsède Hanouma. Peu à peu, il sombre dans la folie…
C’est un film (proche du « néo-réalisme ») surprenant que livre Chahine. Il met en scène des personnages nombreux, n’en négligeant aucun. Qinawi rongé par les frustrations sexuelles se révèle glaçant et émouvant à la fois et son regard à la fin du film ne s’oublie pas…