On sait Roger Corman homme de projets et de constance. Il a touché à peu près à tout et en pleine période hippie, il s’est senti chez lui. Pas si sûr qu’il en partageait la philosophie mais il en aimait certainement la fraîcheur et le ton vindicatif. En 1970, le bougre a pas loin de 45 ans et une cinquantaine de films à son actif en tant que réalisateur. Et celui-ci sera un de ses derniers. Pour autant, à l’âge de 90 balais il produisait encore une petite bisserie obscure en 2017. Sacré Roger !
Suite à une expérimentation hasardeuse du complexe militaro-industriel américain, un gaz mortel est lâché dans l’atmosphère. Celui-ci tue tous les plus de 25 ans. La boulette. Il ne reste plus que les jeunes aux cheveux longs qui vont pouvoir créer le monde dont ils rêvent. Mais le rêvent-ils tous ? Et en seront-ils capables ? On va suivre l’errance de quelques zozos survivalistes dans le wild wild west.
Ça commence comme un film d’animation qui va retracer les évènements avant de lancer le générique sur une bande son de rock psyché. Le ton est donné, c’est caustique et fun. S’en suivra un assemblage de séquences dont le lien un poil grossier sera nos fuyards. Que fuient-ils ? Un genre de gestapo qui traque les chevelus. Pendant le voyage vers un lieu mythique supposé leur apporter des réponses, ils croisent des cowboys du monde d’avant le monde d’avant, une disquaire fan du rock ‘n’ roll à papa, un zapatiste black panther qui cite Robespierre, une équipe de foot américain paramilitaire en perdition paternaliste, des hells angels en voiturettes de golf, une communauté pacifiste autogérée condamnée au commerce et tentée par la guerre. Ça parle littérature et musique. Ça danse et ça baise. Ça s’en fout si tout ça n’a pas grand sens parce que ça vit et que la vie n’a pas de sens si l’on retire une autorité supérieure voire divine. Et dans tout ça Edgar Poe, figure de l’esprit cormanien, passe en harley observer la renaissance du monde.
Comme souvent chez Corman, il y a des fulgurances et des ratés. Le film est un poil longuet malgré ses 74 petites minutes. On pourra mettre ça sur le compte d’un montage brutal du studio très mécontent du film ou sur le projet lui-même qui voulait que le film s’écrive alors qu’il était en plein tournage, sur un petit mois. Reste que les séquences réussies le sont vraiment et qu’il y a même dans le mauvais des choses qu’on pourra saluer, des plans tordus et rigolards, des moments de sincérité naïve et des lourdeurs qui accusent le poids des années. Et c’est sans parler d’un interprétation globalement défaillante, signe supplémentaire que le budget de ce film auto-produit aura été une épine dans le pied d’un gars qui en a pourtant vu d’autres.
En conclusion, ça tape et ça swing, ça clame et ça chante, ça court et ça danse, ça vole des sourires et ça endort par moment. Ça ne plaira certainement pas à tout le monde mais pour les amateurs de Corman ou d’un Russ Meyer (les seins en moins), c’est à voir.
>>> La scène dont on se souviendra ? Plus qu’une scène, une ambiance. Mais à choisir, la scène de concert où amour, musique et bons mots se mêlent à merveille.